Peu efficace en France, l’action de groupe devrait subir quelques retouches. Introduite par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, elle permet aux victimes d’un même préjudice de mener un recours collectif en justice, sur le modèle de la “class action” aux États-Unis.
Si, à l’origine, l’action de groupe ne concernait que les consommateurs, elle s’est ensuite étendue aux litiges en matière de logement, santé, environnement, et, dans le champ du travail, aux discriminations et à la protection des données personnelles, selon une procédure spéciale qui conforte le rôle des organisations syndicales. Une proposition de loi relative au régime juridique de l’action de groupe a été votée le 8 mars en première lecture à l’Assemblée nationale. Elle prévoit de fusionner les différents régimes actuels en un régime unique et d’élargir son champ à toutes les matières : fonctionnement des services publics, climat, transports, fourniture d’énergie, défense des collectivités territoriales… Conséquence : l’action de groupe en droit du travail risque de perdre quelques-unes de ses spécificités.
Et maintenant dans le domaine du travail
De fait, la proposition de loi ouvre plus largement le dispositif aux associations dans le domaine du travail. Aujourd’hui, seules les organisations syndicales représentatives au niveau de l’établissement, de l’entreprise, de la branche ou de l’interprofession peuvent agir en défense des salariés victimes de discriminations au moment de l’embauche ou dans le cadre de leur travail. Les associations peuvent aussi agir au profit de candidats à un emploi ou à un stage, mais uniquement si elles sont déclarées depuis au moins cinq ans et spécialisées dans le domaine de la discrimination au travail ou du handicap.
Selon la CFDT, la mesure d’ouverture à des associations ad hoc est une atteinte à la démocratie sociale. Elle risque d’entraîner l’éclatement du collectif au profit de groupes distincts défendant leurs propres intérêts. La CFDT craint par ailleurs une instrumentalisation juridique des conflits au sein de l’entreprise. « Seules les organisations syndicales sont légitimes dans l’entreprise concernée pour activer à la fois le levier judiciaire et celui du dialogue social, car elles agissent dans l’intérêt de tous les travailleurs et pas seulement au bénéfice des parties prenantes à l’action de groupe », explique la secrétaire nationale Lydie Nicol. Aussi, la CFDT demande-t-elle que l’examen du texte au Sénat permette de supprimer cette disposition.
Un dispositif trop complexe
Consciente toutefois que le dispositif se révèle trop complexe, elle est favorable à ce que les organisations syndicales puissent engager des actions pour tout manquement collectif au droit du travail et plus seulement dans le cadre de discriminations ou de protection des données, comme c’est le cas aujourd’hui. De plus grandes marges d’action leur seront ainsi offertes. La CFDT soutient également la réparation de l’intégralité du préjudice, au lieu de celui apparu après le dépôt de l’action de groupe, ce qui est aujourd’hui un frein réel au développement du dispositif.
Enfin, la phase précontentieuse de mise en demeure préalable devrait être maintenue. Elle permet aux organisations syndicales d’engager un dialogue avec l’employeur afin de l’amener à faire cesser la discrimination en amont de toute action en justice. « Même si c’est très important d’indemniser les victimes, l’action de groupe doit permettre aussi la non-récidive par la prévention des manquements constatés, explique Lydie Nicol. C’est donc un moyen supplémentaire dont elles disposent pour faire basculer le rapport de force lorsque cela est nécessaire. »
Des propositions d’amélioration défendues par la CFDT
Il n’en reste pas moins que cette phase précontentieuse est très perfectible, et la proposition de loi sera l’occasion pour la CFDT de porter quelques propositions en vue de l’améliorer – notamment « le travail de partenariat avec les associations de lutte contre les discriminations, qui est primordial pour améliorer la défense des droits des travailleurs, et la CFDT s’attachera à le renforcer », confirme la secrétaire nationale de la CFDT.
Rappelons que, depuis l’ouverture de l’action de groupe en droit du travail, en 2016, seules quatre actions ont été intentées, toutes par des organisations syndicales.