Ce 7 mars, les organisations syndicales voulaient frapper un grand coup. La sixième journée contre la réforme des retraites aura battu tous les records de mobilisation avec des cortèges plus étoffés qu’espéré.
En face, le gouvernement reste sourd. Pour combien de temps ?
L’intersyndicale appelle d’ores et déjà à deux nouvelles journées de mobilisation, les 11 et 15 mars, et demande à être reçue en urgence par Emmanuel Macron.
« Nous sommes en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire sociale de ce pays. De manière pacifique et responsable, mais de manière déterminée, glisse Séverine, manutentionnaire dans une entreprise des Yvelines. Et si nous devons être à nouveau là dans les prochains jours, nous serons là. Que le gouvernement compte là-dessus ! Sa réforme, il ne la passera pas ! » Si l’exécutif pariait sur une baisse de la mobilisation, c’était sans compter sur cette détermination qui anime les travailleurs de ce pays. Après trois semaines de trêve, du fait des vacances scolaires, la contestation contre la réforme des retraites est entrée dans une nouvelle phase le 7 mars.
Une mobilisation en nette hausse
Les chiffres – les plus importants enregistrés depuis le début des années 90 – parlent d’eux-mêmes : les syndicats enregistrent une hausse de la mobilisation de 25% par rapport au 31 janvier, où 2,5 millions de personnes s’étaient mobilisées. Dans les grandes villes comme dans les plus petites, l’ancrage territorial de ce mouvement est inédit : on dénombrait ainsi 120 000 manifestants à Toulouse, 75 000 à Nantes, 17 000 à Metz, 16 000 à Foix, 24 000 à Pau, 7 000 à Auch, 14 000 à Vannes ou encore 22 000 à Poitiers. Peu avant le départ du cortège parisien, Laurent Berger (informé des premiers chiffres de mobilisation de la matinée) saluait une « mobilisation historique » et laissait déjà présager « la plus forte journée de mobilisation depuis le début de ce conflit ».
Comment pourrait-il en être autrement ? L’inflexibilité de l’exécutif et les récents propos des membres du gouvernement – considérés comme des provocations – suscitent chez beaucoup une poussée de colère.
« La colère telle qu’elle s’exprime dans la diversité du monde du travail est plus importante qu’en 1995 », note Laurent Berger, questionné sur la capacité du mouvement syndical à faire plier, comme à l’époque, le gouvernement. « Chacun apporte de sa dignité de travailleur dans cette mobilisation et exprime son rejet des 64 ans. Il n’y a pas de grève par procuration, que le gouvernement l’entende ! »
Alors, quelles suites ?
La volonté intersyndicale de « mettre la France à l’arrêt » s’est illustrée de diverses manières, mais toujours dans le respect des biens et des personnes – ligne de conduite des leaders syndicaux dont aucun ne souhaite s’affranchir. « La menace du chaos économique et social brandie par l’exécutif n’existe que dans leur tête », s’amuse un manifestant qui note depuis sa première manifestation, le 19 janvier, « le même esprit de responsabilité des manifestants ».
“On a commencé ensemble, on va finir ensemble !”
Une chose est sûre : l’unité syndicale, que d’aucuns voudraient voir voler en éclats, perdure. « Il y a une grande maturité des organisations syndicales pour dire “On a commencé ensemble, on va finir ensemble !” ; sur un mot d’ordre : non aux 64 ans, et sur une exigence : celle de construire ensemble la mobilisation dans la diversité de ce que sont nos cultures syndicales. »
Cette unité, les diverses organisations syndicales l’ont une nouvelle fois montré en début de soirée au siège de Force ouvrière. Saluant « une journée historique par l’ampleur des grèves et des mobilisations », elles s’agacent qu’à ce jour les mobilisations n’aient reçu aucune réponse de la part du gouvernement. « Cela ne peut plus durer. Le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique qui conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive », alerte l’intersyndicale dans son communiqué. De fait, « le Président ne peut pas rester sourd et aveugle à ce qui se passe. Nous sommes très préoccupés par ces travailleurs extrêmement mobilisés et ce sentiment d’incompréhension totale qui ne trouve aucune réaction », pointe Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. Raison pour laquelle « l’intersyndicale adressera dans les prochains jours un courrier demandant au Président à être reçue en urgence pour qu’il retire sa réforme ».
Deux nouvelles dates de mobilisation !
Soutenant l’appel spécifique des organisations de jeunesse à se mobilier le jeudi 9 mars, « l’intersyndicale appelle à une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle ce samedi 11 mars puis dès la semaine prochaine, à une journée de manifestations et de grève, le jour de la commission mixte paritaire (CMP) moment important du calendrier parlementaire », poursuit la déclaration commune. D’après nos informations, celle-ci devrait se tenir le 15 mars, les sénateurs et députés se réuniront pour tenter de trouver un accord sur la réforme des retraites.
Pour la CFDT, « le temps social n’est pas terminé. Ce n’est pas parce qu’il y a eu des concertations que les organisations syndicales n’ont plus leur mot à dire ».
En parallèle, la CFDT poursuit son travail de pédagogie auprès des parlementaires. Une rencontre était encore prévue ce 8 mars à l’Assemblée. Car le temps parlementaire, lui non plus, n’est pas terminé.
“Double journée, demi-retraite” : pour les femmes, c’est non !
Le 8 mars a été l’occasion pour les équipes militantes CFDT de rappeler aux employeurs, aux pouvoirs publics et aux travailleurs une réalité : quarante ans après la loi Roudy sur l’égalité professionnelle, celle-ci n’est toujours pas atteinte. Sur ce sujet majeur de justice sociale, la CFDT porte des revendications fortes : révision de l’index égapro pour faire réellement avancer l’égalité salariale, négociations sur les classifications pour réévaluer les métiers majoritairement occupés par les femmes, lutte contre le temps partiel subi et contre le plafond de verre… Ces sujets doivent être portés par les négociateurs CFDT partout où cela est possible, dans les branches, les entreprises et les administrations.
Il nous faut aussi collectivement progresser sur le partage des tâches domestiques et le partage de la parentalité, qui pèsent essentiellement sur les femmes, occasionnant des carrières hachées, à temps partiel, des parcours professionnels peu ascendants. Continuons de porter haut et fort nos revendications d’un congé paternité de deux mois, d’un congé parental mieux rémunéré, de modes de garde adaptés et suffisants, d’une meilleure reconnaissance du statut d’aidant.
Il nous faut enfin continuer notre combat contre les violences sexistes et sexuelles, au travail comme au sein de notre organisation, et faire vivre notre charte interne.
Mais ce 8 mars 2023, nous avons évidemment parlé de retraites ! Parce que les inégalités criantes en la matière entre les femmes et les hommes sont le résultat de toutes les inégalités dans les parcours des femmes au travail et dans la vie !
La réforme du gouvernement avec l’allongement de la durée de cotisation va pénaliser davantage les femmes, notamment les mères.
Communiqué intersyndical du 7 mars :
TOUS LES OUTILS DE MOBILISATION CONTRE LE REPORT DE L’ÂGE À 64 ANS : CLIQUE ICI !