On les dit plus individualistes, moins fidèles dans leurs engagements professionnels… Pourtant, certains jeunes font le pari de l’engagement syndical. Ce choix modifie-t-il leur rapport au travail ? Nous avons posé la question à de jeunes adhérents CFDT.
Les jeunes salariés sont moins syndiqués que l’ensemble des salariés. Et c’est peu de le dire. À peine 2,7 % des salariés de moins de 30 ans étaient syndiqués en 2019, pour l’essentiel dans la fonction publique.
Comment expliquer, dès lors, non pas le faible taux de syndicalisation des jeunes salariés mais plutôt le fait que certains d’entre eux soient syndiqués ? L’engagement syndical témoigne-t-il d’un regard différent porté sur le travail ? Selon les travaux d’un collectif de sociologues dans le cadre de travaux pour l’Ires, l’engagement n’est que rarement lié à une transmission par les milieux familiaux, et peu de choses différencient dans les faits les jeunes travailleurs non syndiqués des jeunes travailleurs syndiqués. «Ils ont connu les mêmes difficultés structurelles à obtenir un emploi stable, partagent une même méconnaissance de l’univers syndical, de son histoire, de ses sigles et de son vocabulaire» et «l’engagement n’est que rarement lié à une transmission par les milieux familiaux».
En réalité, « la syndicalisation se joue d’abord sur le lieu de travail, à l’occasion de tensions avec la hiérarchie » et est «fortement dépendante des opportunités concrètes de rencontre avec une organisation syndicale». Ce qui n’empêche pas de retrouver chez ces jeunes un goût plus prononcé pour le collectif de travail et la défense des droits des salariés…
“Depuis que je suis au syndicat, je vois que j’ai des droits, que ma parole compte.”
Graziella, 25 ans, magasinière à Primark.
« J’ai adhéré à la CFDT à l’occasion d’un conflit avec ma direction », explique Aurélien, contrôleur des douanes, 27 ans, adhérent CFDT. « Le syndicat m’a permis de trouver une solution ; depuis, je n’ai plus jamais eu de problème avec mon employeur. »
Florentin, 23 ans, également contrôleur des douanes, est adhérent CFDT depuis septembre 2022 et aide ponctuellement son syndicat sur les questions juridiques. Lui voulait « [s]’investir dans quelque chose d’utile pour la maison douanes ». Jules, 28 ans, vaguemestre-coursier à l’hôpital de Creil, cherchait à savoir s’il avait le droit à des jours de RTT : « Je me suis tourné vers les syndicats de mon entreprise. Seule la CFDT m’a accueilli alors que je n’étais pas adhérent. » Depuis, Jules est suppléant au CSE et référent développement de sa section : « Notre parole porte plus lorsqu’on est au syndicat », reconnaît le jeune homme. Graziella, 25 ans, magasinière à Primark depuis 2016 et élue titulaire au CSE depuis 2021, a inscrit son nom sur la liste « pour rendre service ». « Mon travail est physique et la clientèle pas toujours sympa, explique la jeune femme. L’entreprise se met toujours du côté du client. […] Mais, depuis que je suis au syndicat, je vois que j’ai des droits, que ma parole compte. »
Donner du sens au travail
L’engagement syndical confirme un intérêt pour le collectif, l’envie d’aider les autres. « Je me sens redevable envers celui qui m’a permis d’adhérer mais aussi envers les autres salariés. J’ai envie de renvoyer l’ascenseur à mes collègues, peu importe qu’ils soient ou non adhérents », rapporte Jules.
Bérenger, 30 ans, téléconseiller chez Sitel depuis 2018, trouve son « boulot pas facile, pas payé lourd ». Il pensait le faire en « attendant de trouver mieux », mais l’ambiance, l’équipe et la sécurité de l’emploi l’ont fait rester. « Mon travail me convient. Il fait sens. J’aide les gens à comprendre leurs factures d’énergie, je leur propose des contrats afin d’assurer la fourniture du gaz et de l’électricité et j’essaie d’incarner le service client que j’aimerais avoir au bout du fil en tant que consommateur, explique-t-il. Mais on fait vite le tour du boulot et alors la monotonie s’installe. […] Mon mandat m’a permis de me former ; il a remis un peu de relief à mon travail. […] Il y a un turnover important dans nos métiers, poursuit-il. La charge mentale est forte, nous sommes tous les jours sur écoute et “statistiqués”… »
Le mandat apporte alors une forme de reconnaissance. « Mon épanouissement professionnel, je le trouve dans le militantisme », explique Jules. « En entrant à la CFDT, je me suis peut-être découvert une vocation », poursuit Estelle, 26 ans, conseillère clientèle RGPD (règlement général sur la protection des données) chez Sitel, déléguée syndicale et défenseure syndicale aux prud’hommes de Tarbes. Cette ancienne aide-soignante s’est tournée vers la grande distribution à la suite de son licenciement d’une clinique privée de Tarbes. « J’ai choisi ce métier par défaut, mais mes mandats me permettent de mobiliser mes compétences juridiques et mon métier actuel me permet de les conserver. Mes mandats ont fait évoluer ma vocation. Je ne me verrais pas redevenir aide-soignante. »