L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 a réorganisé les dispositions légales relatives à la négociation obligatoire en entreprise selon le triptyque : ordre public, champ de la négociation collectif et dispositions supplétives.

ORDRE PUBLIC

Il s’agit des dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé d’aucune manière.

Débiteurs de l’obligation

Sont concernées les entreprises dans lesquelles sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives. L’initiative revient à l’employeur.

Niveau des négociations

Les négociations sont en principe engagées au niveau de l’entreprise.

Il est cependant possible de mener ces négociations au niveau des établissements ou groupes d’établissements si aucun des syndicats représentatifs à ces niveaux ne s’y oppose.

Ces négociations peuvent être conduites au niveau du groupe et dispenser les entreprises d’engager leurs propres négociations à condition, soit qu’un accord de méthode conclu à ce niveau le prévoit et définisse les thèmes concernés par la dispense, soit qu’un accord sur le même thème a été conclu au niveau du groupe et remplit les conditions prévues par la loi.

Thèmes et périodicité

L’employeur doit engager au moins une fois tous les 4 ans :

  • Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise.
  • Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail.

En plus de ces négociations, l’employeur doit engager une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels au moins une fois tous les 4 ans dans les entreprises ou les groupes d’entreprises au sein de l’article L. 2331-1 du Code du travail d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire au sens des article L. 2341-1 et L. 2341-2 du même code comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 50 salariés en France.

Suspension temporaire du pouvoir de décision unilatérale de l’employeur

Tant que la négociation est en cours, l’employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l’urgence le justifie.

En l’absence d’accord

  • En l’absence d’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’employeur établit un plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
  • En l’absence d’accord prévoyant les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, la négociation sur les salaires effectifs porte également sur la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.

Sanctions

L’employeur qui n’a pas rempli l’obligation de négociation sur les salaires effectifs est soumis à une pénalité financière dont le montant est plafonné (Art. L.2242-7 C.trav.).

Une pénalité financière est également due par les entreprises d’au moins 50 salariés en l’absence d’accord collectif relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou, à défaut d’accord, par un plan d’action. Cette pénalité peut également être appliquée en l’absence de publication des indicateurs devant figurer dans l’index d’égalité ou lorsque n’ont pas été définies de mesures correctives des écarts de salaire.   

CHAMP DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

Dans les entreprises soumises à l’obligation de négocier, une négociation peut être engagée, à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale de salariés représentativeprécisant le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation dans le groupe, l’entreprise ou l’établissement.

L’accord conclu à l’issue de la négociation doit indiquer :

  • Les thèmes des négociations et leur périodicité de telle sorte qu’au moins tous les 4 ans soient négociés les thèmes relevant de l’ordre public
  • Le contenu de chacun des thèmes
  • Le calendrier et les lieux des réunions
  • Les informations que l’employeur remet aux négociateurs sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise
  • Les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements souscrits par les parties

La durée de l’accord ne peut excéder 4 ans.

DISPOSITIONS SUPPLÉTIVES

Les dispositions supplétives s’appliquent en l’absence d’aménagement conventionnel de la négociation obligatoire d’entreprise ou en cas de non-respect de ses stipulations.

Thèmes et périodicité

L’employeur doit alors engager :

  • Chaque année, une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée
  • Chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail
  • Tous les 3 ans, dans les entreprises d’au moins 300 salariés mentionnées à l’article L. 2242-2 du Code du travail, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels

Initiative de la négociation

A défaut d’initiative de l’employeur depuis plus de 12 mois, pour chacune des deux négociations annuelles, et depuis plus de 36 mois, pour la négociation triennale, suivant la précédente négociation, cette négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative.

L’employeur doit alors transmettre cette demande aux autres organisations représentatives dans les 8 jours et convoquer les parties à la négociation dans les 15 jours.

Déroulement

 Lors de la première réunion sont précisés :

  • Le lieu et le calendrier de la ou des réunions
  • Les informations que l’employeur remettre aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise

SANCTION PÉNALE

Est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3750 euros le fait de se soustraire à l’obligation de convention des parties à la négociation et à l’obligation périodique de négocier.

IMPORTANCE DE LA LOYAUTÉ DES NÉGOCIATIONS

Depuis quelques années, la place de la négociation collective et en particulier de la négociation d’entreprise a été renforcée. Dans cette perspective, si la légitimité des acteurs habilités à signer les accords est un prérequis indispensable, le processus même de négociation doit lui aussi être exempt de tout vice.

Nous vous présentons ici les diverses règles visant à garantir la loyauté des négociations, des accords de méthode aux règles empruntées au droit des contrats.

POURQUOI LA LOYAUTÉ DES NÉGOCIATIONS COLLECTIVES EST-ELLE DEVENUE SI IMPORTANTE ?

Dans le prolongement du concept civiliste de bonne foi des parties au contrat, l’idée de loyauté des négociations s’est imposée progressivement comme un concept indispensable en droit du travail. Si cette exigence de loyauté est explicitement prévue par le Code pour ce qui relève de l’exécution des accords collectifs, elle est plus implicite concernant le processus de négociation collective. Certes, la notion de négociation loyale n’est pas totalement absente du Code du travail.

Ce dernier contient en effet des règles spécifiques pour certaines négociations, notamment pour les négociations annuelles obligatoires : obligation de communiquer des informations, établissement d’un calendrier, interdiction de prendre des mesures unilatérales dans les matières traitées par les négociations… Plus récemment, la jurisprudence a reconnu une obligation de loyauté dans la négociation du protocole pré-électoral, dont la sanction peut aller jusqu’à l’annulation du PAP, pourtant conclu à une double majorité.

Globalement, l’importance de la loyauté dans le processus même de négociation va croissant au fur et à mesure que la place de l’accord collectif devient centrale. Pour autant, aucun principe général de loyauté des négociations collectives n’est inscrit dans le Code du travail. Et ce, alors même qu’avec la loi Travail du 8 août 2016, puis les ordonnances de septembre 2017, la négociation dans l’entreprise devient le principal vecteur de création de la norme et que certains accords (les accords de performance collective) peuvent conduire à écarter des clauses plus favorables du contrat de travail.

Dans ce contexte, l’attention portée au processus de négociation revêt une importance capitale. En clair, si nous voulons des accords de qualité, il faut garantir la qualité des négociations.

Cela est-il suffisant ? A défaut, ou en complément, un retour au bons vieux principes civilistes s’impose !

LES ACCORDS DE MÉTHODE, PRINCIPAL LEVIER POUR ASSURER LA LOYAUTÉ DES NÉGOCIATIONS

Dans la lignée du Rapport Combrexelle, et s’inspirant de la pratique, la loi Travail de 2016 a reconnu la possibilité de conclure des accords de méthodes préalablement à la négociation de conventions ou d’accords collectifsAinsi, la loi a-t-elle renforcé ces accords et précisé leur objectif : permettre « à la négociation de s’accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties ».

  • Le contenu des accords de méthode

Pour créer les conditions d’une négociation loyale, la loi précise que ces accords doivent :

  • préciser la nature des informations partagées entre les négociateurs en s’appuyant sur la base de données économiques, sociales et environnementales ;
  • définir les principales étapes du déroulement des négociations ;
  • prévoir des moyens supplémentaires ou spécifiques pour les représentants syndicaux.

Voilà pour les éléments qui doivent a minima figurer dans ces accords. Rien n’empêche cependant les négociateurs d’aller plus loin et d’intégrer tout ce qui peut favoriser la loyauté des négociations.

L’accord de méthode peut prévoir de manière précise la manière dont ces engagements seront remplis.

Pour la CFDT, les accords de méthode ont de nombreux avantages. Avant tout, ils permettent d’éviter les conflits qui pourraient survenir durant une négociation. Ensuite et surtout, la détermination des informations à partager et des modalités relatives au respect de la confidentialité, mais aussi des moyens ainsi que du calendrier de la négociation, favorise des négociations loyales et sereines et in fine la conclusion d’un accord collectif équilibré.

DES ACCORDS FACULTATIFS, AVEC DES SANCTIONS À LA CARTE

Malheureusement, la conclusion d’un accord de méthode avant d’entamer une négociation n’est pas obligatoire. En revanche, comme le souhaitait la CFDT, une fois conclus, ces accords peuvent avoir une réelle efficacité. En effet, la loi prévoit que, quel que soit le niveau de l’accord de méthode, celui-ci peut détailler les stipulations dont la méconnaissance est de nature à entraîner la nullité des accords conclus postérieurement. Autrement dit, l’accord de méthode peut prévoir que la violation de certaines de ses clauses ait des conséquences sur la validité de l’accord négocié par la suite.

LA LOYAUTÉ DES NÉGOCIATIONS DANS LE CODE CIVIL : L’OBLIGATION PRÉCONTRACTUELLE D’INFORMATION

Si l’accord collectif produit des effets exorbitants du droit des contrats (effets dits réglementaires et erga omnes) il n’en demeure pas moins une forme de contrat, du moins en ce qui concerne le processus de négociation.

D’autant que la loyauté des négociations s’y incarne à travers une obligation précontractuelle de bonne foi, ce qui suppose la communication de certaines informations.

Depuis la réforme du Code civil de 2016, la bonne foi dans la formation du contrat est reconnue à l’article 1112. Celui-ci prend place dans une sous-section dénommée « les négociations » et dispose que « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles (…) doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». Plus précisément, l’article 1112-1 du même Code consacre un devoir d’information précontractuelle, pour les « informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ».

Est ainsi posée une obligation générale de loyauté lors des négociations : « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

  • Pendant les négociations, en cas de blocage ou de refus de la direction de communiquer des informations essentielles, il est possible de saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour obtenir ces informations.
  • Une fois l’accord signé, la violation de l’obligation de loyauté peut entraîner une action en nullité. En effet, l’article 1112-1 du Code civil prévoit que le manquement au devoir d’information peut entraîner la nullité au titre des vices du consentement.

Cette action peut cependant se heurter à l’article L 2262-14 du Code du travail, qui enferme dans un délai de 2 mois toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif. Mais ce délai n’interdit pas un salarié d’invoquer à tout moment une exception de nullité, notamment lors de la contestation de son licenciement intervenant à la suite de son refus de l’application d’une clause de l’APC en dépit des stipulations contraires de son contrat de travail.

  • L’article L. 2262-4 du Code du travail dispose que les accords collectifs doivent être exécutés de manière loyale.
  • Art L.3122-36 C.trav pour les négociations sur le travail de nuit.
  • Art L.2242-2 et L.2242-3 C.trav.
  • soc. 6.01.16, n° 15-10.975 ; Cass.soc.9.10.19, n°19-10780.
  • Art L.2222-3-1 C.trav.
  • Soc. 9. 07.96, n°95-13010 ; Cass soc. 10.10.07, n°06-42721
  • L.2253-3 C.trav.
  • Art L.2222-3-1 C.trav.