Une dizaine de députés et sénateurs de droite comme de gauche, dénoncent la décision du gouvernement de confier aux Urssaf le recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco, une caisse de retraite complémentaire du secteur privé.
Le projet du gouvernement prévoit de confier aux Urssaf le recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco.
Voici leur tribune :
Malgré la volonté du Parlement et des partenaires sociaux, le 49.3 nous prive d’un débat qui nous concerne tous, quelle que soit notre sensibilité politique : la capacité des représentants des salariés et des entreprises, et plus globalement des corps intermédiaires à porter dans la durée une part du bien commun de notre pays. En effet, au-delà de son opacité technique, le transfert voulu par le Gouvernement du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf – soit celles des retraites complémentaires de tous les salariés du privé – est un nouveau pas vers l’étatisation de la protection sociale.
” L’État se donne les moyens de s’accaparer le patrimoine de plus de 50 millions de Français et 2 millions d’entreprises “
En prenant la main sur 80 milliards d’euros de cotisations de l’Agirc-Arrco, l’Etat se donne les moyens de s’accaparer le patrimoine de plus de 50 millions de Français et 2 millions d’entreprises. Il fait ainsi le choix de la facilité face au déficit persistant des comptes sociaux, en démantelant et en se servant de fait dans les caisses d’un régime pourtant bien géré.
Depuis 75 ans, les représentants des entreprises et des salariés gèrent, dans le cadre d’un dialogue social constant et efficace, l’Agirc-Arrco qui est un élément majeur du pacte social.
Depuis 75 ans, l’Agirc-Arrco a toujours été à l’équilibre, sans un euro de dette et dispose de plus de 60 milliards de réserves qui contribuent en outre à la souveraineté économique de notre pays. Ce régime assure à 13 millions de retraités l’équivalent de 30 et 60% de leur pension.
Depuis 75 ans, l’Agirc-Arrco tient la promesse de la retraite par répartition : garantir le paiement des pensions à chaque génération sans peser sur les générations futures. Régime contributif, il construit un lien direct entre les cotisations payées et les retraites versées. Il participe ainsi au consentement à la contribution de chacun au bien commun, principe démocratique fondateur de notre République.
Mercredi prochain 2 novembre, plus de 13 millions de retraités verront leur retraite complémentaire augmenter de 5,12%. Une décision bienvenue qui a été prise grâce à la robustesse financière de l’Agirc-Arrco et au pilotage durable des partenaires sociaux. Expression de notre démocratie sociale, ce sont les représentants des salariés et des entreprises qui gèrent leur régime de retraite complémentaire, grâce à la maîtrise de leurs ressources.
À contre-courant, le Gouvernement a soutenu, dans le débat écourté du PLFSS à l’Assemblée, qu’il fallait absolument confier aux URSSAF le recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco. Les Partenaires sociaux et le Medef se sont pourtant opposés unanimement à cette mesure. Une large majorité de parlementaires, de tous les groupes politiques, ont tenté en vain de voter l’abrogation de cette disposition, mais le 49.3 a coupé court.
” Persister sur ce projet qui ne présente aucune utilité réelle pour nos concitoyens serait une faute politique majeure “
Supposé « simplifier la vie des entreprises et réaliser des économies », ce chantier est tout au contraire une source de complexité et d’augmentation des coûts : ajouter un intermédiaire, c’est créer le risque d’erreurs irréversibles dans le calcul des droits à retraite de chacun de nos concitoyens. C’est aggraver la défiance croissante à l’égard de nos institutions, rendant toujours plus difficile le combat que nous, parlementaires, menons chaque jour pour sauvegarder la cohésion de notre corps social.
Persister sur ce projet qui ne présente aucune utilité réelle pour nos concitoyens serait une faute politique majeure. Pourquoi casser un dispositif qui marche, qui a prouvé son utilité et son efficacité collective ?
Le pilotage de l’Agirc-Arrco démontre la capacité des partenaires sociaux à gérer sur le temps long, en responsabilité à l’égard des générations futures. Ils y parviennent par la négociation et par le compromis, sans jamais mettre personne dans la rue. Cela est précieux pour notre pays et une véritable richesse pour les chantiers à venir. Préservons-le !
Liste des signataires :
Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle Les Républicains, Secrétaire de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale et rapporteur PLFSS 2023Marie
Christine Dalloz, députée du Jura, Les Républicains, membre de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale
Charles de Courson, député de la Marne, Libertés Indépendants Outre-mer et Territoire, membre de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale
Arthur Delaporte, député du Calvados, Socialistes et apparentés, membre de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale
Vincent Delahay, sénateur de l’Essonne, Union centriste, vice-président du Sénat, membre de la Commission des Finances du Sénat
Nicole Dubre-Chirat, députée du Maine-et-Loire, Renaissance, membre de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale
Justine Gruet, députée du Jura, Les Républicains, membre de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale
Jérôme Guedj, député de l’Essonne, Socialistes et apparentés, membre de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale
Olivier Henno, sénateur du Nord, Union centriste, vice-président de la Commission des Affaires sociales du Sénat
Philippe Juvin, député des Hauts-de-Seine, Les Républicains, membre de la Commission Affaires sociales de l’Assemblée nationale
Florence Lassarade, sénatrice de Gironde, Les Républicains, membre de la Commission Affaires sociales du Sénat
Valérie Letard, sénatrice du Nord, Union centriste, vice-présidente du Sénat, membre de la Commission des Affaires économiques du Sénat
Raymonde Poncet-Monge, sénatrice du Rhône, Ecologiste Solidarité et Territoires, vice-présidente de la Commission des Affaires sociales du Sénat, Secrétaire de la Commission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat
Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée, Président du groupe Les Républicains du Sénat