Nombre d’équipes syndicales renouvellent leurs instances de représentation du personnel. C’est l’occasion de rendre compte du dernier baromètre Syndex-Ifop sur l’état du dialogue social et les nouveaux défis des élus.
Quatre ans après la création des comités sociaux et économiques, et dans une année électorale cruciale pour leur renouvellement, qu’en disent les élus, mais aussi les dirigeants et les salariés ? Le travail d’enquête et d’analyse effectué par le cabinet Syndex et l’institut Ifop, dans le cadre de leur cinquième baromètre, est riche d’enseignements. Une enquête tripartite (élus des IRP, salariés et dirigeants d’entreprise), menée entre octobre et fin novembre 2022 ; 917 RP, 1 308 salariés et 410 chefs d’entreprise et DRH ont répondu. À l’enquête quantitative se sont ajoutés des entretiens qualitatifs.
En premier lieu, il existe un fort écart d’appréciation entre élus et dirigeants d’entreprise, non seulement sur le rôle du dialogue social mais aussi sur son état : si ce dernier est jugé « favorable » par les dirigeants d’entreprise (note de 7,8 sur 10), il est considéré comme « moyen » par les représentants des salariés (note de 5 sur 10). D’ailleurs, 59 % des élus interrogés estiment que « la confiance entre les participants est de mauvaise qualité ».
Côté représentants du personnel, on retrouve les mêmes griefs vis-à-vis de la nouvelle instance que lors des années précédentes : baisse des moyens, accroissement de la charge de travail, accroissement de l’investissement en temps nécessaire, ordres du jour des réunions trop chargés pour traiter les sujets correctement… Cela dit, l’affaiblissement du poids des représentants du personnel dans ces CSE et le manque de prise en compte de leurs avis se trouvent en tête des récriminations.
Une relève difficile à assurer
C’est donc, de fait, un sentiment de frustration qui domine – en plus de la fatigue, citée par 60 % des sondés. Le manque d’attractivité du mandat se fait sentir, et 93 % des élus disent rencontrer des difficultés à recruter de nouveaux militants en vue d’assurer la relève. « Nous avons de moins en moins de candidats et de gens qui veulent s’engager », rapporte ainsi un représentant du personnel interrogé dans le cadre de l’enquête. « Certains demandent à se syndiquer pour une situation particulière, lorsqu’ils ont une demande, et après ils ne viennent plus. »
Mais ce n’est pas toujours qu’affaire de motivation. « Dans mon entreprise, il y a onze CSE ; il est difficile de monter des listes dans certains sites, même lorsque la section syndicale est fournie », explique Guy Delatour, Délégué syndical central CFDT de Sitel Group. Certains salariés craignent que leur mandat ait « un impact négatif sur leur évolution de carrière » ; d’autres savent « le travail que représente un mandat CSE ou syndical alors que les moyens alloués pour bien remplir le rôle sont faibles » ; enfin, « dans certains sites, on ressent de la lassitude et du dépit liés notamment aux conditions de rémunération, ce qui ne favorise pas l’engouement et l’engagement ».
« In fine, les représentants du personnel craignent de voir la balance du dialogue social pencher encore davantage en faveur des directions, laissant peu de place à la défense organisée des intérêts des salariés », indique Claire Morel, membre du comité directeur de Syndex et co-coordinatrice de l’enquête. « Si on ne fait pas la passation avec des nouveaux représentants […], le rapport de force dans les réunions ne sera pas équilibré face à des directeurs qui ont l’habitude des textes », confirme de son côté un représentant du personnel dans le secteur du soin. Face à ce déséquilibre qui s’annonce, 82 % des représentants du personnel considèrent que la priorité pour les cinq ans à venir est de renforcer le poids des avis du CSE.
Alerte sur la proximité
Autre sujet d’inquiétude : l’enquête pointe une forme de « fragilisation de la relation entre les CSE et les salariés ». Seuls 44 % des élus jugent cette relation de bonne qualité dans leur entreprise alors qu’elle est, selon eux, constitutive d’un bon dialogue social. Les effets de la crise sanitaire ainsi que le manque de temps et de moyens ont éloigné les élus des salariés. Chez Adoma, « nous sommes présents dans cinq régions, et nos heures de délégation ne nous permettent pas de nous déplacer partout, explique Nora Marrakchi, DSC CFDT. Il est pourtant primordial d’être proche des salariés car c’est là que nous prenons la température sur leurs manières de travailler ; c’est essentiel pour la prise en compte de leurs attentes et de leurs conditions de travail ». Et ce, d’autant plus que le télétravail (dans bon nombre de secteurs, désormais) rend également le lien et la communication plus délicate.
Clairement, « la communication devient un enjeu majeur pour les représentants du personnel », indique l’étude. Si un léger progrès est à noter concernant la connaissance que les élus ont de leurs nouvelles prérogatives environnementales (depuis août 2021, avec la loi Climat et résilience), 74 % d’entre eux estiment que leur CSE ne s’en est pas encore saisi. Là encore, un fort enjeu pour les élus.