Selon Bernard Dugué, ergonome, enseignant chercheur à Bordeaux, l’analyse en profondeur et de manière collective des accidents du travail est une priorité.
Le nombre d’accidents du travail ne baisse plus en France.
Comment expliquer cette situation ?
En matière d’accidents du travail comme sur toute question de santé au travail, l’analyse des causes est centrale pour concevoir des politiques de prévention efficaces. Or, c’est là que cela pêche dans les entreprises. Bien souvent, l’analyse d’un accident est trop rapide, menée de manière trop superficielle.
Il n’y a pas une compréhension fine de ce qui s’est passé. On se focalise sur des causes immédiates et sur le comportement individuel du salarié : il aurait manqué d’attention, il n’aurait pas porté les bons équipements de sécurité, il n’aurait pas suivi les procédures… À la fin, cela se termine par un simple rappel des règles. Or on sait bien qu’en matière d’accident, il y a souvent des causes profondes, structurelles, organisationnelles, qu’il est important de comprendre.
C’est pourquoi les représentants du personnel ont une fonction essentielle car, en lien avec les salariés concernés, ils peuvent apporter un regard plus riche et des éléments de contexte pour justement aller au fond de l’analyse.
Beaucoup d’élus regrettent la fin des CHSCT, actée par les ordonnances de 2017.
Partagez vous cet avis ?
Oui, il est indéniable que la prise en charge des questions de santé et sécurité au travail a perdu du terrain. Les élus du CSE ne les considèrent pas toujours comme prioritaires face à une multitude de sujets à traiter. Les préoccupations économiques, on peut le comprendre, passent souvent en premier.
De plus, le domaine de la santé et de la sécurité couvre un éventail de sujets extrêmement vaste. Cela va de la conception de postes de travail aux troubles musculosquelettiques en passant par les accidents du travail ou les risques psychosociaux. Les nouveaux élus dans les CSE ont tendance à être très généralistes, donc peu à l’aise avec ces thématiques complexes.
Que faudrait il faire ?
Il est nécessaire de recréer une instance dédiée et autonome avec de véritables moyens d’investigation. Un lieu où les différents acteurs de l’entreprise peuvent débattre : la direction, les élus du personnel et les personnes ressources extérieures comme la médecine du travail ou des spécialistes de la prévention.
Il faudrait encore davantage mettre l’accent sur la formation des élus du personnel comme de la direction, d’ailleurs. Si l’on veut faire reculer les accidents du travail, l’approche ne peut être que collective et la plus ouverte possible. L’apport des experts n’est pas à négliger. Tout le monde doit prendre sa part pour que s’installe une dynamique, sans oublier les salariés, qui ont beaucoup de choses à dire sur leur travail !