Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été présenté en Conseil des ministres le 27 septembre.
La CFDT porte un regard négatif sur ce texte et le dira clairement dans les différentes caisses de sécu. Car en refusant d’ouvrir le débat sur les ressources, le gouvernement se voit contraint de présenter un budget en déficit et des mesures qui ne sont pas à la hauteur des difficultés.
Chaque année, l’heure est à l’examen des deux grands textes budgétaires : le projet de loi de finances (PLF, le budget de l’État) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ces derniers ont été présentés en Conseil des ministres le mercredi 27 septembre et vont être débattus par les parlementaires pour une adoption avant la fin de l’année.
Le PLFSS intéresse tout particulièrement les organisations syndicales. Mais le texte est jugé par la CFDT sans grande ambition pour notre système de protection sociale. « En refusant d’ouvrir un débat sur les ressources du système, le gouvernement se retrouve à présenter un PLFSS extrêmement contraint, résume Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale chargée des questions de protection sociale. À part quelques mesures qui mettent l’accent sur la prévention, il n’y a rien de nouveau ou de structurel. L’accent est mis sur des mesures d’économie discutables. »
Un déficit qui se creuse
Dans le détail, le texte prévoit pour 2024 un déficit de 11,2 milliards d’euros en 2024, contre 8,8 milliards en 2023. Ce creusement du déficit s’explique principalement par une hausse des pensions (la partie régime générale) de 5,2% en 2024 afin de coller à l’inflation. Le déficit de la branche vieillesse passe ainsi de 1,9 à 5,9 milliards. La branche maladie maintient, elle, son déficit à 9,3 milliards, tandis que les branches familles et AT-MP restent excédentaires (respectivement de 0,8 et 1,2 milliard d’euros).
Pour établir ce PLFSS, le gouvernement s’est appuyé sur une prévision de croissance pour 2024 plutôt optimiste, de 1,4%, et un Ondam en augmentation de 3,2%. Là encore, les taux retenus par l’exécutif sont contestables. En additionnant l’augmentation des dépenses naturelles due au vieillissement de la population, les augmentations salariales déjà annoncées et l’inflation, l’objectif de 3,2% semble trop peu réaliste et risque de mettre sous pression les professionnels, les établissements de santé et les patients.
Des économies contestables
De fait, les 3,5 milliards d’euros d’économies envisagées concernent les actes de biologie, les soins dentaires et les médicaments. Des restrictions sont aussi envisagées pour encadrer les pratiques de téléconsultation, limitant la prescription d’arrêts de travail de plus de trois jours… Le texte prévoit également un renforcement des contrôles en vue de réduire les arrêts considérés comme excessifs, avec la possibilité de suspendre automatiquement les indemnités journalières en cas de rapport médical déclarant un arrêt injustifié. De plus, un débat est en cours pour augmenter les franchises sur les médicaments et les consultations, mais rien n’est encore inscrit dans le PLFSS – cela peut arriver au cours des débats par amendement du gouvernement. Idem en ce qui concerne les indemnités journalières. Un débat est en cours pour faire davantage d’économies dans ce domaine (les entreprises pourraient être mises à contribution), mais rien n’est gravé dans le marbre.
Un point, enfin, est particulièrement contesté par la CFDT dans la branche AT-MP. Il s’agit d’une forme de plafonnement des indemnités dues aux salariés en cas de faute inexcusable de l’employeur. Une telle mesure, particulièrement injuste, se révèle clairement destinée à répondre à la demande pressante des petites entreprises. La CFDT regrette par ailleurs l’absence de mesures fortes en direction de la santé mentale, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est aujourd’hui dans un état critique.
Quelques bonnes mesures
Du côté des bonnes nouvelles contenues dans ce PLFSS, la CFDT tient à mettre l’accent sur les mesures liées à la prévention et à l’accès aux soins. Ainsi, l’accès au vaccin contre le papillomavirus sera possible dès 11 ans, les préservatifs pour les moins de 26 ans seront pris en charge intégralement et la lutte contre la précarité menstruelle se traduira par le remboursement des culottes et coupes menstruelles pour les femmes de moins de 26 ans et les femmes bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. L’année 2024 verra également se déployer les « bilans de prévention » instaurés dans la loi de financement de la sécu pour 2023.
Les mesures permettant de réduire la place de la tarification à l’activité dans le financement des établissements de santé sont également saluées, même si les marges de manœuvre financières des établissements semblent si faibles qu’il n’est pas sûr qu’ils puissent les appliquer réellement. Les effets pervers d’un financement 100 % à l’activité ont pourtant été identifiés depuis plusieurs années…
Les ponctions qui ne passent pas
Ces quelques mesures saluées par la CFDT ne sont toutefois pas de nature à faire pencher la balance du bon côté, d’autant plus qu’il existe un autre motif de mécontentement extrêmement fort : la ponction d’une partie des ressources de l’Unédic en 2024 (sous la forme d’une non-compensation d’exonération de cotisations envisagée à hauteur de 2,4 milliards d’euros) et la menace d’une ponction d’une partie des ressources de l’Agirc-Arrco (non inscrite dans le texte pour le moment mais dont le mécanisme autorisant ladite ponction existe, lui, dans le PLFSS). Cette décision unilatérale de l’État – qui met en danger les finances d’organismes paritaires – montre bien à quel point il est urgent de rediscuter de la question du financement de notre système de protection sociale. « Ces bidouillages comptables entament fortement l’autonomie financière de la Sécurité sociale et remettent en cause le rôle des partenaires sociaux », déplore Jocelyne Cabanal.