Lors de la traditionnelle interview du 14 juillet, le président de la République avait donné quelques éclairages sur le calendrier des prochaines réformes qu’il souhaite inscrire à l’ordre du jour parlementaire.


Tour d’horizon et réactions

Que nous réserve la rentrée sociale ? Les yeux rivés sur l’inflation, qui n’en finit pas de grignoter du pouvoir d’achat, et sur les bouleversements économiques et écologiques, les Français ont entamé la trêve estivale avec une pointe d’anxiété. Dans nombre d’entreprises, la tension est palpable. « La période est très compliquée, admet Laurent Berger. Il y a une grande inquiétude dans le pays, qui peut se transformer en colère si le gouvernement n’a pas de discours d’apaisement. » Pas sûr que le traditionnel entretien du chef de l’État à l’occasion du 14 juillet ait réussi à calmer les esprits, que ce soit en matière de retraites, d’emploi ou de pouvoir d’achat.


Une “concertation retraites” dès septembre

Annoncée il y a une semaine par le ministre du Travail, Olivier Dussopt, la concertation avec les partenaires sociaux relative à la réforme des retraites devrait avoir lieu dès septembre. Emmanuel Macron a confirmé ce calendrier le 14 juillet en apportant quelques précisions supplémentaires. « On va progressivement décaler l’âge de départ jusqu’à 65 ans à l’horizon des années 2030 », a-t-il indiqué dans son interview du 14 juillet, évoquant un rythme de « quatre mois par an jusqu’à la fin du quinquennat ». Dernière précision, les effets de la réforme devraient se voir dès 2023.

L’objectif affiché par l’exécutif reste toujours d’augmenter la durée de travail afin de réaliser des économies permettant de financer les deux grandes priorités du quinquennat : l’école et la santé. « On doit travailler davantage, nous devons travailler plus longtemps », a insisté le président de la République, tout en assurant qu’il était prêt à prendre en considération la position des organisations syndicales comme celles des groupes d’opposition au Parlement pour faire aboutir cette réforme. « Il faut bâtir des compromis responsables », résume-t-il en évoquant les carrières longues, la pénibilité ou encore l’emploi des seniors.

Toujours en matière de retraites, l’automne sera également marqué par la revalorisation des retraites complémentaires des salariés du privé Agirc-Arrco pour tenir compte de l’inflation. Les partenaires sociaux doivent s’être mis d’accord avant le 6 octobre, pour une revalorisation des pensions au 1er novembre. 


Quid du pouvoir d’achat ?

Alors que débute l’examen du projet de loi à l’Assemblée ce 18 juillet, pour une adoption prévue début août, les mesures attendues sur le pouvoir d’achat et leur mise en œuvre n’ont pas fini de monopoliser le débat. « Une succession de mesures ponctuelles et majoritairement financées par l’État ne peut constituer un ensemble suffisant pour répondre à l’urgence », rappellent cependant les huit organisations syndicales françaises, pour lesquelles le pouvoir d’achat « relève également des politiques salariales dans les branches, les entreprises et la fonction publique ».

Au 1er août, réévaluation automatique du salaire minimum de 2,01 % afin de faire face à l’inflation. De quoi inciter les branches à renégocier leurs grilles ? Un passage obligé, estime Laurent Berger. Car, de fait, avec une telle augmentation, « 156 des 176 branches se retrouveront de nouveau avec des échelons en dessous du salaire minimum ».

L’INTERSYNDICALE AFFICHE DES PRIORITÉS COMMUNES

Fait rarissime ! C’est la première fois depuis plus de dix ans qu’un texte commun est aussi largement paraphé sur le champ national interprofessionnel. Réunies en intersyndicale au siège de FO le 11 juillet, les huit organisations syndicales et quatre organisations étudiantes – Unef, Voix lycéenne, MNL (Mouvement national lycéen) et FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) – ont abouti à un communiqué sur la préservation du pouvoir d’achat. « Parce qu’elles considèrent que le salaire relève du partage des richesses, les organisations syndicales et de jeunesse sont unanimes sur le fait que le sujet prioritaire doit être l’augmentation des salaires, des retraites et pensions, des minima sociaux et des bourses d’études. »
Au-delà des mesures financées par l’État, « la prise en charge des mesures de pouvoir d’achat est aussi de la responsabilité des employeurs, privés comme publics », estiment les signataires, pour qui la conditionnalité des aides aux entreprises est aujourd’hui devenue un impératif. « Le futur débat parlementaire doit permettre d’avancer sur cette conditionnalité des aides aux entreprises qui ne jouent pas le jeu en matière salariale », rappelle l’intersyndicale, qui vise les exonérations de cotisations patronales qui s’appliquent jusqu’à 1,6 Smic. Alors que le projet de loi prévoit le triplement du plafond de la prime Macron, l’intersyndicale explique que « ces exonérations et allègements de cotisations mettent à mal notre système de protection sociale ».
D’autres réunions sont prévues sur différents thèmes à la rentrée, la première au siège de la CFDT le 5 septembre.

Les règles d’indemnisation chômage prolongées… en attendant l’acte 2

Après plusieurs jours de tergiversations, Olivier Dussopt a finalement annoncé la prolongation des règles d’indemnisation actuelles, le temps d’évaluer les effets de la dernière réforme entrée en vigueur en 2021. En effet, les règles actuelles devaient normalement expirer au 31 octobre, contraignant les partenaires sociaux à négocier une nouvelle convention sur la base d’un document de cadrage gouvernemental. « Faisons d’abord le point sur l’utilité de ces nouvelles règles [en vigueur depuis le 1er octobre 2021 pour l’essentiel d’entre elles]. Elles facilitent les recrutements [et] les incitations à l’emploi mais nous avons quelques mois de recul seulement », estime le locataire de la rue de Grenelle.

Ce temps d’analyse, qui pourrait durer plusieurs mois, n’empêchera pas le gouvernement de dessiner les contours de l’acte 2 de la réforme esquissée par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle, et qui vise à moduler l’indemnisation en fonction de la conjoncture. « Si nous revenons en arrière sur la réforme d’assurance chômage, nous en perdrons tout le bénéfice », assure Olivier Dussopt.


Réforme du travail

Plus largement, le chef de l’État veut engager une nouvelle séquence de réformes sociales dans la continuité de celles conduites lors du premier quinquennat (ordonnances de 2017, formation professionnelle en 2018 et assurance chômage en 2021) et annonce un projet de loi sur « la réforme du travail » présenté « au retour de l’été […] après discussions avec les partenaires sociaux »

. Celui-ci pourrait comprendre plusieurs volets, du temps de travail à la réforme du RSA en passant par le soutien à la formation pour que « nos jeunes aillent plus vite sur le marché du travail », mais toujours selon lui « dans une logique de droits et de devoirs ».


Une réforme de l’enseignement professionnel

Le gouvernement compte en effet poursuivre à la rentrée ses efforts sur l’apprentissage. Grâce à la réforme de la formation professionnelle de 2018 et à l’aide à l’embauche mises en place, le nombre d’apprentis a déjà grimpé à 525 600 en 2020 et à 718 000 en 2021. Le million d’apprentis, l’objectif affiché du gouvernement, apparaît aujourd’hui réalisable à court ou moyen terme. Le gouvernement a d’ailleurs prolongé l’aide exceptionnelle à l’embauche d’un apprenti ou d’un salarié en contrat de professionnalisation jusqu’au 31 décembre 2022. Cette aide est de 5 000 € pour le recrutement d’un alternant (en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation) de moins de 18 ans et de 8 000 € pour l’embauche d’un jeune de 18 à 30 ans préparant un diplôme, un titre professionnel ou un certificat de qualification jusqu’au master (bac + 5).

Outre l’accent mis sur l’apprentissage, le Président a également annoncé deux réformes qui vont mobiliser les organisations syndicales : la réforme du lycée professionnel et celle de la VAE (validation des acquis de l’expérience). La volonté de l’exécutif est de s’inspirer de la réforme de la formation professionnelle de 2018 en rapprochant l’enseignement professionnel du monde des entreprises. D’ailleurs, la nouvelle ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, aura deux ministres de tutelle : Pap Ndiaye pour l’Éducation nationale et Olivier Dussopt pour le Travail. C’est la première fois que la formation professionnelle n’est plus exclusivement du ressort de l’Éducation nationale. Ce signal envoyé par le nouveau gouvernement n’est pas passé inaperçu auprès des spécialistes et a provoqué autant de satisfaction que de mécontentement… en attendant d’en savoir un peu plus sur le contenu réel de cette réforme annoncée comme prioritaire.


Fonction publique : un accord de méthode et des discussions à venir

Pour ce qui concerne la fonction publique, l’accord de méthode inédit signé le 12 juillet par la quasi-totalité des syndicats représentatifs de la fonction publique territoriale sur la protection sociale complémentaire est une première étape qui ouvre la voie à la négociation. Quatre dates sont prévues à l’automne (les 14 septembre, 12 octobre, 3 novembre et 7 décembre – veille des élections professionnelles dans la fonction publique), l’objectif étant d’aboutir à un accord sur la couverture santé et la prévoyance des agents territoriaux d’ici fin mars 2023. C’est également à la rentrée que devraient s’ouvrir les discussions sur les carrières et rémunérations dans les différents volets de la fonction publique, même si aucune date n’a à cette heure été fixée.


Article rédigé par Anne-Sophie Balle, Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo