Malgré la baisse du nombre de demandeurs d’emploi, y compris chez les personnes qui en étaient le plus éloignées, l’Observatoire des inégalités constate en France un creusement des inégalités renforcées par l’inflation.
« Combien de temps tiendra-t-on ainsi ? », s’inquiète l’organisme indépendant à l’occasion de la publication, le 8 juin, de son dernier rapport sur les inégalités en France. Malgré une baisse du taux de chômage ces dernières années – notamment chez les jeunes, les ouvriers peu qualifiés ou encore chez les chômeurs de longue durée –, les inégalités sociales demeurent, voire s’accentuent. La hausse des prix frappe de plein fouet les ménages les plus modestes, et le retour de l’inflation réactive la bataille des revenus. « L’accumulation des rancœurs est grande », alerte son directeur, Louis Morin, et les classes dirigeantes doivent « élaborer des compromis sociaux ».
L’inflation renforce la fracture entre les catégories sociales
« Le contexte 2023 est paradoxal », lit-on en préambule du rapport. La baisse du chômage est réelle et profite tout particulièrement aux jeunes de moins de 25 ans, dont le taux de chômage est passé de 26,1 % en 2015 à 17,3 % en 2022, et aux ouvriers peu qualifiés (22,6 % en 2015 contre 16,7 % en 2021). Mais cette situation ne s’accompagne pas d’une baisse concomitante de la précarité de l’emploi et les inégalités demeurent, notamment en fonction des niveaux de diplôme. « Le taux de chômage va quasiment du simple au triple entre le monde des diplômés de l’enseignement supérieur, en situation de plein-emploi depuis longtemps (avec un taux de chômage de 5 %), et celui des non-diplômés (14,4 %) », note le rapport.
Conséquence, « les catégories populaires ont le sentiment d’être écartées d’un progrès qui bénéficie à une “France d’en haut” qui jouit pleinement de la société de consommation et qui, par ses revenus et ses diplômes, maîtrise le cours de sa vie », alerte Louis Morin. D’autant que la hausse des prix frappe principalement les ménages modestes, en particulier ceux qui vivent dans des logements énergivores et ceux dont les déplacements imposent l’utilisation d’une voiture. « Le risque de déclassement est majeur pour les salariés dont la fiche de paie ne suit pas l’envolée des prix », pointe le rapport. Le plein-emploi doit donc demeurer un objectif, « mais il n’est pas suffisant ». « Il faut aussi qu’il débouche sur des emplois de qualité, avec des rémunérations correctes et des perspectives durables », rappelle l’Observatoire des inégalités.
« Des constats que partage la CFDT, évidemment, déplore de son côté Chantal Richard, secrétaire confédérale chargée du dossier. L’embellie concernant les “bons chiffres” du chômage cache des réalités très variées et, avec l’inflation, les inégalités se creusent encore. Il est urgent que, dans le cadre des futurs enjeux de transition écologique et des futures réformes sociales, le gouvernement agisse en vue de réduire ces inégalités. »