Après l’adoption d’un diagnostic partagé sur les missions de la branche AT-MP, les partenaires sociaux se sont retrouvés le 13 décembre pour engager la négociation d’un accord national interprofessionnel relatif au fonctionnement de la branche au sein de la Sécurité sociale. Ils se sont exprimés sur trois grands thèmes :

La prévention, la réparation et la gouvernance de la branche !

Les partenaires sociaux ont fait savoir qu’ils avaient achevé de valider le diagnostic préalable à toute négociation interprofessionnelle dans un communiqué de presse commun du 8 décembre. Ils ont également indiqué qu’ils avaient arrêté le périmètre de leurs échanges et entamé cette nouvelle phase de discussion le 1er décembre dernier. En parallèle, ils ont envoyé aux autorités de l’État une lettre d’intention sur la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche AT-MP, actuellement en préparation. Les partenaires sociaux demandent que soit décalée la signature de la COG 2023-2027 « afin qu’elle puisse tenir compte de l’issue de cette négociation ».

La COG prenant fin au 31 décembre 2022, ils s’inquiètent d’une signature qui interviendrait avant celle de l’accord et risquerait d’être à contre-courant de leur souhait d’« augmenter les moyens de la branche attribués notamment à la prévention ». Initialement, la négociation devait aboutir fin décembre mais ce ne sera pas le cas, la prochaine réunion étant fixée au 17 janvier 2023. Dans ce courrier, les partenaires sociaux espèrent donc que les pouvoirs publics prendront les mesures permettant à la branche de poursuivre ses actions de prévention, en attendant la nouvelle convention.

Les grands axes qui font consensus

À travers leur diagnostic partagé, les partenaires sociaux se déclarent unanimement attachés au compromis de 1898 sur la reconnaissance des accidents du travail, qui est toujours d’actualité (il s’agit de la présomption automatique d’origine professionnelle d’un accident si ce dernier correspond à la définition légale d’un accident du travail, assortie d’un montant forfaitaire pour la réparation). Sur cette base commune, tous admettent que les moyens dédiés à la prévention sont très insuffisants (4 euros seulement prélevés sur la cotisation patronale contre 36 euros pour les maladies professionnelles et 36 euros pour la réparation) et que les indicateurs sur la sinistralité des entreprises doivent être mieux définis.

De plus, ils jugent les processus de reconnaissance des maladies professionnelles « peu compréhensibles » et « peu accessibles » alors que le système se fonde « sur la promesse d’une juste réparation ». Un quatrième constat concerne la gouvernance paritaire de la branche au sein de la Sécurité sociale, le diagnostic faisant état d’une « autonomie de façade », ne laissant aux partenaires sociaux ni visibilité ni marges de manœuvre suffisantes en ce qui concerne les moyens alloués à la prévention. Sur ces quatre grands axes, le Medef a fourni un projet de texte pour lequel les organisations syndicales ont pu commencer à pointer ce qui, selon elles, mérite d’être approfondi.

“Évaluer, prioriser, cibler”

Évaluer, prioriser, cibler : c’est en résumé ce que demandent les organisations syndicales en matière de prévention. S’il s’agit bien d’un enjeu majeur selon l’ensemble des négociateurs autour de la table, tous ne partagent pas exactement la méthode à suivre. La CFDT a ainsi rappelé l’importance de se fixer des objectifs avant de commencer à négocier au sujet du financement de la prévention. « Sans minimiser les besoins de la branche pour améliorer les dispositifs de prévention, il s’agit d’abord de savoir où l’on va. Ce n’est pas exactement la même vision côté patronal, où l’on parle plus souvent des moyens que des actions à mener », commente Catherine Pinchaut, la secrétaire nationale cheffe de file de la délégation CFDT.

Ces actions, il faut pouvoir les évaluer (ce qui n’est pas le cas actuellement) en s’appuyant sur des données fiables. Ces mêmes données aideront les partenaires sociaux à déterminer les risques, à prioriser les actions de prévention, à cibler les entreprises à forte sinistralité. Les organisations syndicales ont aussi souligné la nécessité d’une meilleure identification des risques : qu’ils soient connus ou émergents, il faut retravailler sur les barèmes, sur la sous-déclaration des accidents du travail et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles, thèmes abordés dans le diagnostic partagé. « Nous avons insisté sur l’accès aux droits pour une réparation plus juste et mieux reconnue, poursuit Catherine Pinchaut. Cela passe par la traçabilité des risques au cours d’une carrière et la prise en compte de l’usure professionnelle dans la politique de prévention, pas uniquement via le volet réparation. »

Réaffirmer le rôle politique de la branche vis-à-vis de ses tutelles

En matière de gouvernance, la CFDT a, là encore, clairement réaffirmé sa position. S’il est indispensable de redonner toute leur place aux partenaires sociaux au sein de la commission AT-MP, celle-ci ne doit pas se limiter à une approche technique des sujets et à la gestion du budget. « La CFDT a pour mandat de donner à la négociation un cap politique et opérationnel au bénéfice des employeurs et des travailleurs. Elle s’y tiendra », affirme Catherine Pinchaut.

Article rédigé par Claire Nillus Journaliste