Nous ne sommes pas égaux face aux accidents du travail.
Les statistiques montrent que certains milieux professionnels sont particulièrement exposés, ainsi que les travailleurs précaires.
En 1962, les ouvriers représentaient 39 % de la population en emploi. En 2017, ils ne sont plus que 20,8 %. Même s’ils sont moins nombreux, ces derniers sont toujours les plus exposés aux risques. La Dares dénombre 42,9 accidents du travail par million d’heures salariées chez les ouvriers, contre 29,7 chez les employés et professions intermédiaires et 2,5 chez les cadres.
En tête de la sinistralité, la Cnam (qui recense les déclarations d’accidents du travail) pointe ainsi le travail intérimaire, gros pourvoyeur d’emplois en usine et sur les chantiers (1,8 million de travailleurs intérimaires en France), puis les secteurs de la santé et du nettoyage, l’industrie agroalimentaire, les transports et le BTP. Les marins-pêcheurs payent aussi un lourd tribut. Les accidents les plus fréquents sont dus à de la manutention (50 %) et des chutes (30 %). Enfin, les travailleurs dits de la deuxième ligne sont particulièrement exposés avec, en 2020, 540 000 accidents du travail recensés dont 550 mortels.
De plus en plus de femmes
Dans les secteurs où elles sont majoritaires, comme les services à la personne, les risques pour les femmes augmentent constamment.
La hausse est particulièrement visible dans la santé, l’action sociale et le nettoyage (qui emploie 80 % de femmes).
Pour autant, la santé des femmes au travail est un impensé des politiques publiques, alerte la délégation aux droits des femmes du Sénat dans un rapport paru cet été. Celui-ci dénonce, par exemple, le fait que les postes de travail et les équipements – y compris ceux de protection individuelle – sont fondés sur les références anthropométriques d’un « homme moyen ».
Autre fait peu visible : les femmes sont plus exposées que les hommes aux violences sexistes et sexuelles (une femme sur cinq en 2022). Le rapport note aussi le port répétitif de charges dépassant la norme autorisée de 25 kg pour celles qui travaillent dans les métiers du soin. Résultat, l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) a recensé entre 2013 et 2019 une stabilisation des accidents chez les hommes (– 0,1 %) et une augmentation (+ 18,3 %) chez les femmes.
Les intérimaires surexposés
La Dares le souligne, quand un établissement recourt à un volant d’intérimaires :
Le taux d’accidents du travail de ces derniers est plus élevé que celui de ses salariés en propre.
Plusieurs raisons l’expliquent. Les donneurs d’ordres externalisent les travaux les plus dangereux pour ne pas avoir à subir les coûts associés à la réparation des accidents du travail. La dépendance vis-à-vis d’une entreprise utilisatrice peut amener à une intensification du travail ainsi qu’un moindre investissement dans les mesures de prévention. La coactivité sur le même lieu de travail de salariés provenant d’entreprises différentes est aussi un facteur de désorganisation du travail, ce qui aggrave les risques.
Enfin, il y a tous ceux qui ne déclarent pas leur accident par crainte de perdre leur emploi (indépendants, travailleurs détachés, ubérisés, sans-papiers, saisonniers…) et ceux pour qui s’absenter est difficile (soignants, professeurs des écoles…). Les nouveaux arrivés dans l’entreprise sont particulièrement vulnérables puisque 20 % des décès surviennent dans l’année qui suit l’embauche. Les jeunes constituent également une population de salariés très vulnérables puisque sur 696 décès en 2021, 37 sont survenus chez des moins de 25 ans. Dans ce contexte, la CFDT revendique le retour des CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), dont la disparition est inacceptable.