Comme précédemment annoncé dans nos articles, les partenaires sociaux se sont réunis le 5 septembre 2023 pour ouvrir le cycle de négociation sur pilotage du régime Agirc-Arrco pour la période 2023/2026.

En bref : le fonctionnement de l’Agirc-Arrco :

Tous les quatre ans, en vertu de l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2017 qui organise le fonctionnement de l’Agirc-Arrco, les organisations syndicales et patronales définissent dans le cadre d’une négociation ce qu’on appelle « le pilotage stratégique ». Il s’agit principalement du cadre de revalorisation des pensions (valeur de service du point) et d’acquisitions des droits (valeur d’achat du point), du niveau des réserves du régime et de la dotation du fonds d’action sociale.

En 2019, un ANI avait posé le cadre pour la période 2019/2022. Ce cadre est arrivé à échéance et un nouvel accord doit donc être négocié cette année pour la période 2023/2026. Cette négociation doit aboutir au plus tard début octobre 2023 car l’ANI de 2017 impose que les pensions soient revalorisées le 1er novembre.

Cette séance d’ouverture a été l’occasion pour les partenaires sociaux d’avoir un premier échange sur les thèmes et les enjeux de cette négociation, d’identifier de possibles points de convergences et ceux à discuter lors de séances ultérieures.

Pour définir une politique de revalorisation des pensions et de l’acquisition des droits, un régime de retraite a besoin de faire des projections économiques et financières.

Pour faire des projections, il n’y a pas de méthode unique et surtout, il y a des projections avec des hypothèses économiques (chômage, croissance, etc.) plutôt optimistes et d’autres plutôt pessimistes. Depuis plusieurs années, l’Agirc-Arrco s’appuie sur une méthode qui se veut à la fois réaliste et prudente. Les partenaires sociaux ont globalement validé le fait d’ouvrir la négociation avec cette méthode. Ce point est important car la méthode de l’Agirc-Arrco n’est pas, par exemple, celle qu’utilise le gouvernement. Toutefois, certaines organisations, dont la CFDT, ont dit qu’il faut faire attention à ne pas être trop prudent car cela pourrait conduire l’Agirc-Arrco à faire des bénéfices qui ne sont pas attendus (et venir ainsi excessivement alimenter les réserves du régime, voir paragraphe suivant). C’est pourquoi la CFDT a proposé, tout en conservant la méthode traditionnelle de projection économique et financière, que les partenaires sociaux se réunissent dans la période 2023/2026 pour faire un bilan sur cette méthode (c’est ce qu’on appelle une clause de revoyure). La CGT et FO sont allées dans le même sens.

En lien avec la question des projections économiques et financières, les échanges ont aussi porté sur le niveau des réserves financières du régime. Les partenaires sociaux ont décidé, à la création du régime Agirc-Arrco, que celui-ci doit disposer à tout moment et pour les 15 prochaines années de réserves financières équivalentes à 6 mois de prestations. Ces réserves sont là pour assurer la pérennité du régime et garantir le paiement des pensions en cas de « coup dur ». Ce fut le cas par exemple pendant la crise Covid où il a fallu prélever 5 Mds€ en urgence sur les réserves. Là encore, l’ensemble des organisations syndicales et patronales ont réaffirmé leur attachement à ces réserves et aux règles qu’elles ont fixées pour les constituer. Des organisations ont néanmoins dit que ces règles ne doivent pas être un carcan. Tout comme pour les projections économiques et financières, la CFDT souhaite qu’une discussion ultérieure se fasse sur le niveau des réserves de l’Agirc-Arrco.

Au-delà de ces premiers éléments de convergence, la discussion est rapidement arrivée au fait que cette négociation intervient dans le contexte particulier de la réforme des retraites. Les organisations syndicales ont toutes rappelé qu’avec le report de l’âge légal, tout l’effort repose sur les seuls travailleurs. C’est pourquoi elles ont été unanimes pour dire que les coefficients minorants de l’Agirc-Arrco n’ont plus de raison d’être depuis l’entrée en vigueur de la réforme. Elles demandent donc qu’ils soient supprimés dans le cadre de l’actuelle négociation. C’est un point incontournable pour la CFDT dans cette négociation.

Le contexte de la réforme, c’est aussi l’engagement du gouvernement de revaloriser le minimum contributif à 85% du SMIC. La CPME a rappelé que, concrètement, le gouvernement attend que le régime Agirc-Arrco participe au financement de cette mesure. Pour certaines organisations, l’Agirc-Arrco doit rester autonome et n’a pas à participer au financement des engagements du gouvernement. La CFDT estime que la question, sans la trancher à ce stade de la négociation, doit pouvoir être discutée lors d’une prochaine séance de négociation (position validée par la CGT, FO et la CFTC).

Les partenaires sociaux ont enfin échangé sur le sujet de la revalorisation de la valeur d’achat et de la valeur de service du point. En cours de carrière, les salariés et leurs employeurs paient des cotisations pour acheter des points Agirc-Arrco. Ce qu’on appelle la « valeur d’achat » est le coût de ce point. Chaque année, ce coût est revalorisé. Les partenaires sociaux doivent décider de la règle de revalorisation. Ils sont globalement d’accord pour conserver l’actuelle règle de revalorisation qui consister à faire augmenter cette valeur selon l’augmentation du salaire moyen.

A la liquidation, un salarié a accumulé un certain nombre de points. Pour déterminer sa pension Agirc-Arrco, on multiple ces points par ce qu’on appelle la « valeur de service ». En d’autres termes, la revalorisation de la valeur de service détermine la revalorisation des pensions Agirc-Arrco. Sur ce point, la discussion est encore largement ouverte entre les partenaires sociaux car les positions sont divergentes.

Pour la CFDT, il est important de soutenir le pouvoir d’achat des retraités et que les pensions Agirc-Arrco évoluent comme l’inflation (c’est-à-dire sur l’évolution des prix). Ce point sera à l’ordre du jour d’une autre séance de négociation.

D’autres sujets ont été posés sur la table. La CPME a notamment émis le souhait que le régime Agirc-Arrco mette en place un part de retraite par capitalisation. Les organisations syndicales ont rejeté cette perspective et les autres organisations patronales n’ont pas rebondi dessus. Il a aussi été question du cumul emploi/retraite et de la question de savoir si ce cumul emploi/retraite doit être créateur de droits à retraite complémentaire (depuis la réforme des retraites, le cumul emploi/retraite est créateur de droits au régime de base). Les partenaires sociaux ont demandé un complément d’expertise juridique et économique. Enfin, les partenaires sociaux ont posé le sujet du fonds d’action sociale qui sera étudié lors d’une prochaine séance.

Cette première séance a fait apparaitre des premiers éléments de convergence. Ils sont importants car ils montrent la capacité des partenaires sociaux à discuter sereinement du pilotage du régime de retraite complémentaire des salariés du privé. La négociation n’est pour autant pas terminée. L’appréciation de chacun se fera sur un projet global. Les discussions vont se poursuivre pendant tout le mois de septembre.