Le mouvement d’augmentation des prix que l’on a connu en 2022 va se poursuivre en 2023. Pendant ce temps, les négociations sur les salaires dans les entreprises sont rarement satisfaisantes, et le pouvoir d’achat dégringole.

L’année 2022 a marqué le retour d’une inflation forte. Cela faisait en effet plus de trente ans que l’Insee n’avait pas calculé un taux aussi élevé : + 5,2 %. L’augmentation des prix de l’énergie (+ 23,1 %) et de l’alimentation (+ 6,8 %) y a largement contribué. Pour 2023, « l’alimentation demeurerait la première contribution à l’inflation », écrit l’Insee dans un point de conjoncture paru le 7 février, en précisant que si l’inflation totale devrait rester élevée, elle pourrait néanmoins se stabiliser voire diminuer.

Pendant ce temps, comment ont évolué les salaires ? Pas aussi vite que les prix. Selon une étude de la Dares, si les revalorisations automatiques du Smic ont pu faire progresser le salaire minimum de 5,6 % entre les troisièmes trimestres 2021 et 2022, les salaires de base, eux, ont progressé de seulement 3,7 % pendant la même période. Un chiffre qui s’explique notamment par le fait que les négociations collectives ou individuelles n’ont lieu qu’une fois par an. Et, en 2022, elles ont été à la traîne. Selon une étude du cabinet Syndex, 90 % des accords d’entreprise analysés prévoient des augmentations générales en 2022 comprises entre 2 % et 2,5 %, soit nettement moins que le niveau d’inflation. La moitié des élus de CSE interrogés considèrent que les conséquences de l’inflation n’ont pas été assez prises en compte dans les négociations, et ils sont 75 % à être insatisfaits des négociations de 2022.

Des conflits liés aux salaires dans diverses entreprises

De quoi déclencher des conflits autour des salaires au sein des entreprises. C’est le cas chez Lidl. La section CFDT (première organisation syndicale chez le hard discounter) a lancé un mouvement le 1er mars. Lors des NAO 2023, la direction a proposé d’augmenter les ouvriers et employés de 6 %, et les agents de maîtrise de 5 %. « Vu ainsi, ça peut paraître bien, surtout dans un secteur comme celui de la grande distribution, commente le délégué syndical central Christophe Pierre. Mais Lidl gagne beaucoup d’argent, et on voulait que cela se répercute sur les salaires. Pendant la crise Covid, on nous a félicités pour notre implication. On attend toujours les retombées ! » La direction propose aussi une prime liée à l’inflation (son montant pourrait varier entre 100 et 500 euros), versée durant le second semestre 2023. Pour la CFDT, c’est non. « On veut une prime décente et conséquente, pas juste liée à l’inflation », indique Christophe Pierre. La section compte maintenir la pression aussi longtemps que nécessaire.

Chez Iko Insulations, une entreprise de la plasturgie, on s’est aussi mobilisé pour les salaires. Durant près de cinq semaines, les salariés ont fait grève afin d’obtenir 7 % d’augmentation et un treizième mois de salaire. Le mouvement a été particulièrement suivi, mais les 35 salariés mobilisés (sur 50) n’ont pas eu gain de cause. La direction n’a pas voulu mettre en place un treizième mois. Seront versées une prime de partage de la valeur de 500 euros pour tous les salariés et une prime annuelle sur objectifs de 800 euros brut pour les salariés n’ayant pas de bonus. L’augmentation générale, quant à elle, sera comprise entre 4 % et 6 %, selon le niveau de rémunération. Est-ce un échec ? « Non », affirme Franck Devaud, le secrétaire général du Syndicat CFDT chimie-énergie Auvergne-Limousin. « Un grand élan de solidarité entre les salariés est apparu à la faveur du mouvement. La section a planté une graine pour plus tard. Ils ne lâcheront pas le morceau, et se serviront de ce rapport de force lors des prochaines négociations. »

Un exemple de conflit qui a porté ses fruits

Du côté de Thales DMS (une filiale qui fabrique des équipements militaires et emploie 5 500 salariés), le conflit de 2022 a porté ses fruits en ce qui concerne la négociation de 2023. Cette filiale du groupe Thales a connu un mouvement social qui a duré trois mois, avec des blocages de sites et des manifestations. « Ce mouvement était inévitable », estime Sabine Lesserre, déléguée syndicale centrale CFDT. « Les NAO se décident au niveau du groupe, ce qui rend les directions locales sourdes à nos revendications. Le Covid a laissé des traces, les salariés ont été très volontaires durant cette période, mais la reconnaissance n’était pas au rendez-vous. D’autant que Thales a une rentabilité assez élevée. » En 2022, le groupe Thales a réalisé un chiffre d’affaires de 17,6 milliards d’euros (+ 8,5 % par rapport à 2021), avec un résultat net consolidé de 1,1 milliard d’euros.

Cette année, donc, la direction a été plus à l’écoute. La section CFDT a signé une augmentation 2023 de 5,65 % pour les ingénieurs et cadres et de 6 % pour les autres (3 % en augmentation générale, 3 % en augmentation individuelle, un talon de 80 euros et un plancher de treizième mois de 2 450 euros). La direction s’est engagée à augmenter 97 % des salariés. « Nous pensons que nous n’aurions pas pu obtenir plus cette fois-ci », souligne Sabine Lesserre. « Le conflit de 2022 a donc été bénéfique, il a laissé des traces. Et on n’exclut pas de recommencer si nécessaire. » Rendez-vous est pris pour l’année prochaine.