La mobilisation contre la réforme des retraites a, sans nul doute, un impact positif sur la syndicalisation. Reste désormais à entretenir cette dynamique et à fidéliser ces nouveaux adhérents.
Le Conseil national confédéral (CNC) de mai a été l’occasion de faire un point sur le développement de l’organisation depuis le début de l’année. Entre le 1er janvier et le 16 mai, 38 640 travailleuses et travailleurs ont adhéré à la CFDT, soit une augmentation de 15% par rapport aux années antérieures sur la même période. Parmi ces nouveaux adhérents, on compte 7 672 jeunes (+ 3,20%) – de moins de 36 ans – et 5 806 cadres (+ 35%). Impossible de ne pas y voir, du moins en partie, un effet de la mobilisation contre la réforme des retraites, qui entraîne un regain de visibilité et de légitimité des organisations syndicales : plus d’un tiers des nouveaux adhérents qui ont renseigné leur motif d’adhésion citent « les valeurs ». « Les adhésions continuent à un rythme soutenu depuis la fin de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites. Mais, désormais, elles se font également sur des motifs professionnels, en rapport avec ce que vivent les salariés dans les entreprises et les administrations », résume Lydie Nicol, la secrétaire nationale de la CFDT chargée de la syndicalisation. « On observe – comme on l’a vu l’an dernier dans les fonctions publiques à l’approche des élections professionnelles – un réel effet renouvellement des CSE. »
Accueillir et fidéliser
Faire des adhésions, c’est bien ; mais conserver ces nouveaux adhérents, c’est encore mieux ! Pour y parvenir, « il est indispensable d’accueillir correctement les nouveaux adhérents au sein de nos collectifs : tout nouvel adhérent doit être rapidement contacté et invité à rencontrer un collectif syndical », martèle Lydie Nicol. Un mot d’ordre qui semble bien intégré par les différentes organisations CFDT. En Île-de-France, où l’Union régionale interprofessionnelle (URI), a enregistré 7 000 nouvelles adhésions au cours des cinq derniers mois, un groupe de travail avec ses Unions territoriales interprofessionnelles (UTI) a été mis en place pour plancher sur la fidélisation.
L’URI organisera par ailleurs ce 31 mai une journée d’accueil des nouveaux adhérents, en présence de Laurent Berger, suivie d’une rencontre avec leur syndicat. Dans les Hauts-de-France, des journées spécifiques d’accueil sont organisées dans les UTI, en attendant la mise en place de formations « découverte » au second semestre. L’URI Centre-Val de Loire opte de son côté pour des « soirées d’accueil » entre 18 et 20 heures dans les unions locales : « Si le travailleur doit faire une heure de voiture pour nous rencontrer, il ne viendra pas, d’où la nécessité de jouer la proximité. » Afin de s’assurer qu’aucun des 2 200 nouveaux adhérents de la région « ne soit laissé au bord de la toute », l’URI Pays de la Loire organise un phoning pour leur proposer de participer aux temps d’accueil d’ores et déjà planifiés sur l’ensemble du territoire.
En plus des rencontres physiques, certaines structures organisent des webinaires à destination des nouveaux adhérents. C’est le cas en Normandie, où l’URI travaille également sur un livret d’accueil spécifique et, en Bretagne, qui axe ces webinaires sur la présentation de la CFDT et de ses services.
Si les actions de proximité sont, par nature, plus du ressort des unions régionales, les fédérations ne sont pas en reste en matière de nouvelles arrivées avec 6 000 nouvelles cartes aux Services ou 3 000 à la FGMM, qui note une forte progression du nombre de femmes et de jeunes. La CFDT-Agri-Agro, de son côté, contacte chaque nouvel adhérent par SMS et met à sa disposition un « kit de bienvenue ».
Si l’effet retraites joue à plein sur les nouvelles adhésions, il ne faut pas oublier que « la CFDT, ce n’est pas que les retraites », explique-t-on à la F3C. « Nous mettons en avant les services et l’accompagnement auxquels les adhérents peuvent avoir droit, par exemple en matière d’accompagnement professionnel. » Une analyse largement partagée en Pays de la Loire et en Bretagne, qui pointent le renouvellement des CSE comme élément de hausse de la syndicalisation avec 2 700 adhésions en 2023 (contre 2 000 l’an dernier pendant la même période).
Enfin, l’afflux de nouveaux adhérents entraîne souvent la création de nouvelles sections. Pour mener à bien leur implantation et leur pérennisation, l’URI Occitanie renforce son réseau ARC pour les accompagner dans leurs structurations.
Prolonger et amplifier la dynamique
Intégrer tous les nouveaux arrivants dans un collectif CFDT est, à n’en point douter, l’une des clés de la fidélisation. Il faut pour cela mieux prendre en compte « les salariés et les travailleurs qui nous connaissent moins et que nous connaissons moins : les jeunes, les salariés des TPE, les indépendants, comme nous le faisons déjà avec Union-Indépendants », insiste Lydie Nicol. En effet, pour que les revendications de la CFDT continuent d’être élaborées au plus près des attentes des travailleurs, « nous avons besoin de les connaître. Et quoi de mieux pour connaître les salariés, leur vécu et leurs attentes, que de les avoir comme adhérents à la CFDT ? », ajoute la secrétaire nationale. Cela passe aussi par la nécessité de « faire du collectif là où il n’y en a pas encore ». C’est tout le sens de la mise en place des UTTPE, adoptée lors du congrès de Lyon (juin 2022), ou des « collectifs de projet » qui doivent permettre aux adhérents isolés d’un même territoire de se retrouver.
Pour pouvoir battre le fer tant qu’il est chaud et ne surtout pas laisser retomber le soufflé du développement, il faut que les militants CFDT soient sur le terrain et retournent à la rencontre des milliers de salariés rencontrés lors des manifestations pour leur proposer l’adhésion. C’est pourquoi, dès cet été, la campagne saisonniers, axée cette année sur les jobs d’été, sera, en plus de sa traditionnelle dimension de campagne d’information sur les droits, un vrai temps fort de syndicalisation.
De nouveaux outils sont en préparation pour accompagner les militants et les aider à proposer l’adhésion, en particulier une nouvelle enquête flash à destination des jeunes en job d’été. Dans la foulée, la quatrième édition de Réponses à emporter, qui se déroulera du 26 au 28 septembre, ciblera principalement les jeunes et les cadres. Selon Lydie Nicol, « il s’agit de mettre en pratique ce que nous ont appris les trois premières éditions : cibler les lieux et les horaires auxquels on peut mieux toucher les travailleurs et avoir un peu de temps pour échanger avec eux ».
Ces deux temps forts – lesquels seront soutenus du 1er juillet au 31 octobre par « l’adhésion découverte », qui offre une période d’essai de deux mois avant le premier prélèvement – devraient confirmer que la « CFDT hors les murs », au plus près des lieux de travail et de vie des salariés, cela fonctionne !