Au terme de onze séances, les partenaires sociaux ont achevé la négociation portant sur la modernisation du paritarisme. Le texte, ouvert à signature jusqu’à la mi-juin, recueille l’avis favorable de la délégation CFDT.
Après plusieurs mois de négociation, syndicats et patronat ont abouti dans la soirée du 14 avril à un projet d’accord national interprofessionnel (ANI) « pour un paritarisme ambitieux et adapté aux enjeux d’un monde du travail en profonde mutation ». Au fil des deux dernières séances, le texte aura donc nettement évolué. Et, passé les derniers arbitrages, c’est une certaine satisfaction, tant sur le fond que sur la forme, qui prévaut.
« Le process de négociation [phase préparatoire puis négociation] nous a permis de prendre le temps de poser les dysfonctionnements observés puis d’y répondre, résume Marylise Léon, cheffe de file CFDT. Or nous l’avons toujours dit : la méthode est au moins aussi importante que le résultat. » En la matière, une majorité d’organisations syndicales ont tenu à saluer la volonté patronale manifeste d’obtenir un maximum de signataires autant que la capacité syndicale de trouver des convergences sur un certain nombre de sujets. « Sur la partie des relations entre le gouvernement, les parlementaires et les partenaires sociaux, le large consensus des organisations syndicales a permis de faire avancer le texte », résumera FO.
Un dialogue social continu et formalisé
Réaffirmant en préambule « leur connaissance intime du monde du travail [et] de ses évolutions » et « leur détermination à être […] des acteurs de la consolidation et du renouvellement de la démocratie sociale », les partenaires sociaux se fixent à travers ce texte d’accord trois grands objectifs : instaurer un dialogue social continu ; clarifier l’articulation des rôles respectifs (des partenaires sociaux et des pouvoirs publics) ; faire progresser le paritarisme de gestion.
De fait, les conditions d’un dialogue économique et social interprofessionnel « autonome, dynamique et constructif » passent par la construction (voire la pérennisation) d’un agenda paritaire autonome. Le texte instaure à cette fin un « espace de dialogue social permettant de faire, en temps réel, des points de situation économique et sociale, de confronter des points de vue et d’anticiper un certain nombre de mutations ayant des conséquences […] sur l’emploi et le travail ». Un cadre, désormais formalisé, qui servira de « boussole commune », apprécie Marylise Léon. L’agenda paritaire à proprement parler permettra quant à lui de déterminer « la liste des chantiers à ouvrir [et celle] des accords/dispositifs devant faire l’objet d’une évaluation », précise le projet d’ANI.
Meilleure articulation entre partenaires sociaux et pouvoirs publics
Au-delà de cet agenda social, les partenaires sociaux plaident pour une articulation équilibrée entre pouvoirs publics et partenaires sociaux, dans le respect des principes fixés par la loi dite Larcher du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social… ou comment « redéfinir la place des partenaires sociaux dans le champ institutionnel, » résumera le Medef, qui a finalement renoncé à son idée de faire des partenaires sociaux des « co-législateurs » – cette formulation avait provoqué une opposition farouche des organisations syndicales.
En matière sociale, la loi prévoit avant toute réforme du gouvernement une invitation des partenaires sociaux à négocier ainsi que la communication à ces derniers d’un document d’orientation – qui, dans les faits, s’est progressivement changé en un document de cadrage contraint. « Le document d’orientation du gouvernement doit laisser toute sa place à la négociation » , écrivent noir sur blanc les partenaires sociaux, avant d’appeler les futurs gouvernements à « expliciter [leurs] objectifs et motivations dans le cadre d’un échange […] sans présumer des options qui seront retenues dans la négociation ni des délais nécessaires fixés par les partenaires sociaux pour la mener à bien ». Comme une remise à plat salutaire de l’articulation entre démocratie sociale et démocratie politique, « ce texte constitue un bon support qui servira de base à la discussion avec le prochain gouvernement », résume Marylise Léon, alors que se profilent déjà (d’ici à l’été) de nouvelles discussions relatives à l’assurance chômage.
Et le paritarisme de gestion ?
Sur la question, sensible, du paritarisme de gestion, il s’agissait surtout de « dépoussiérer les règles de l’accord de 2012 », ont résumé les négociateurs. Jusqu’au bout, les modes de validation des décisions – avec un vote par tête (voulu par la CFDT) ou par collège – auront cristallisé les débats. La règle du vote par tête actée en 2012 est finalement maintenue. La CFDT en avait fait un point dur de la négociation. « La question de la règle d’or a été écartée dans la gestion financière des organisations paritaires », s’est par ailleurs félicitée Marylise Léon.
Seule ombre au tableau selon la CFDT, la représentativité restera bien en place dans les délégations et les accords mais ne s’appliquera pas au-delà. « C’est la réserve de notre délégation, regrette sa cheffe de file, mais la majorité des organisations syndicales considère que la représentativité n’a pas lieu de s’appliquer dans les règles de gestion. »
Malgré ce bémol, et au regard de son mandat de négociation initial, la délégation CFDT donne un avis favorable à ce texte d’accord ouvert à signature jusqu’au 15 juin. Cette période suffisamment longue devrait permettre à chaque organisation (dont celles pour lesquelles un congrès approche) de poser le débat en interne dans leurs structures. Le Bureau national de la CFDT a, pour sa part, prévu de se prononcer dès le 21 avril.
Article rédigé par Anne-Sophie Balle Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo