Enseignante-chercheuse à l’Iéseg, Élodie Gentina a publié Génération Z : des Z consommateurs aux Z collaborateurs (Dunod, 2018). Son ouvrage s’appuie sur une grande enquête menée auprès de 700 jeunes nés entre 1995 et 2010.

Comment définiriez-vous le rapport des jeunes au travail ?

C’est un autre rapport, moins rationnel et beaucoup plus affectif, que celui qu’a pu avoir la génération de leurs parents, pour qui l’entreprise était vue comme une extension d’eux-mêmes et où le travail permettait d’assurer une sécurité de l’emploi, un statut. Aujourd’hui, le travail fait partie de leur vie mais n’en est plus le centre. En revanche, ces jeunes veulent être pleinement acteurs de leur parcours, trouver un job dans lequel ils puissent s’épanouir et se sentir utiles. Cette « quête de sens » est née de la crise Covid, qui a clairement accéléré la prise en compte des questions RSE. Ils n’hésitent plus, d’ailleurs, à questionner les employeurs sur leur empreinte carbone, la promotion de la diversité ou les politiques d’inclusion au sein de l’entreprise.

« Le monde de l’entreprise n’a d’autre choix que de composer avec leurs attentes et de se questionner. »

Malgré tout, le premier critère d’attractivité ne reste-t-il pas le salaire ?

Évidemment, je ne vous dirai pas que les jeunes sont tous les mêmes. Le salaire est un critère important, qui plus est en période d’inflation, mais il ne suffit plus. Salaire et sécurité de l’emploi ne font pas tout. Et si l’on peut admettre qu’il existe des différences dans les priorités selon le niveau social, le niveau d’études ou encore la zone géographique, cette quête de sens reste un point commun : quand on travaille à la chaîne dans une usine d’abattage, on aspire, au même titre que dans une start-up, à monter en compétences, en responsabilités, à fédérer un collectif.

Justement, comment le monde du travail s’adapte-t-il à cette génération qui bouscule tous les codes de l’entreprise ?

Laissez-moi vous donner un chiffre : en 2030, 75 % des actifs seront issus des générations Y (nés entre 1980 et 1995) et Z (1995-2010). Ce que je veux dire par là, c’est que le monde de l’entreprise n’a d’autre choix que de composer avec leurs attentes et de se questionner. D’ailleurs, on le voit bien, les entreprises qui ne s’adaptent pas ne parviennent plus à recruter – ou, quand elles y arrivent, ont beaucoup de mal à fidéliser leurs salariés. Dans certains cas, il s’agira de repenser un mode de management, moins pyramidal et autoritaire. Ailleurs, il peut être question de repenser les critères d’urgence pour anticiper davantage les besoins de conciliation des temps de vie. Ailleurs encore, de donner plus de latitude aux salariés en leur demandant quelle est leur vision de l’entreprise et comment ils voient l’entreprise de demain. Toute entreprise peut s’adapter.

Comment les managers perçoivent-ils cette nouvelle génération ?

Beaucoup de managers et plus généralement beaucoup de salariés plus âgés voient ces jeunes comme une génération volatile [qui passe d’une entreprise à une autre], à la fois rebelle et vulnérable. Elle peut paraître mystérieuse. Il serait peut-être temps de mieux comprendre cette jeunesse d’un point de vue managérial mais aussi sociétal afin d’en tirer les préconisations pour le monde de l’entreprise. Oui, les anciens peuvent apporter aux jeunes mais l’inverse est tout aussi vrai. Le contrat de génération, ça ne peut pas marcher que dans un sens !