Les salaires et les inégalités salariales ne sont pas que des statistiques. Elles s’incarnent également dans la capacité ou non des travailleurs à construire la vie à laquelle ils aspirent pour eux et leur famille.

Mais les chiffres parlent tout de même :

L’Insee relève que l’écart moyen des rémunérations entre hommes et femmes est de 15,2%, 76 ans après l’instauration de l’égalité de traitement dans le préambule de la constitution de 1946.

Entre 1995 et 2015 on a assisté à une déformation des salaires au bénéfice des plus hautes classifications : le salaire des cadres a augmenté de 89% en valeur nominale, celui des ouvriers de 52% seulement.

C’est dire que la question des salaires reste un sujet de préoccupation majeur des travailleurs.

La situation actuelle du retour d’une inflation forte a pour conséquence immédiate la baisse des salaires réels, que l’Insee estime à 1,4%, du fait de l’écart entre augmentation moyenne des salaires et inflation.

Une dynamique forte en matière de négociation sur les salaires est donc indispensable. Les salariés ont été les perdants de la reprise car la faiblesse des hausses de salaire pendant la phase de reprise n’a pas suivi l’évolution de la productivité.

Beaucoup d’employeurs alertent aujourd’hui sur les dangers de la création d’une boucle infernale inflation / salaires pour ne pas engager les discussions sur le sujet des salaires et plus largement sur celui de la rémunération. Mais la vérité oblige à dire que la hausse des salaires n’est absolument pas à l’origine de l’inflation qui est largement importée. Et donc que la modération salariale, réclamée par de nombreux employeurs, n’est pas du tout la solution à la flambée de l’inflation. Au contraire, pour atténuer une partie de la perte de pouvoir d’achat des salariés, des augmentations salariales plus fortes sont nécessaires.

Il est primordial de remettre la question d’un juste partage de la valeur au centre des discussion dans le contexte actuel car les dividendes versés en 2022 par les entreprises culminent à des sommets historiques : 57 milliards d’euros, contre une moyenne de 40 milliards d’euros par an depuis 2006

Ainsi, toutes les entreprises ne subissent pas la crise (ou tout du moins pas avec la même intensité) et celles qui connaissent des difficultés sont soutenues par les pouvoirs publics, à juste titre. Mais, elles doivent toutes pouvoir s’engager sur des contreparties, à minima sur des négociations salariales pour les travailleurs au plus bas revenus et ceux qui n’ont pas connu de progression salariale depuis longtemps. Il donc est impératif que les employeurs assument de mener de manière loyale la négociation d’entreprise et de branche sur les salaires.

Pour la CFDT :

Il nécessaire de conditionner les exonérations de cotisations dont bénéficient les entreprises à la négociation des minimas de branche car un trop grand nombre de branche se trouvent en situation de non-conformité avec au moins un niveau sous le SMIC, 117 aujourd’hui. Certaines d’entre elles comptent jusqu’à 5 niveaux pour les branches : casinos, chaussures commerce succursales, commerce de gros, miroiterie, photographie, prestataires de services du secteur tertiaire, produits alimentaires élaborés industrie, etc.…, d’autres jusqu’à 7 niveaux pour la branche panneaux à base de bois et même12 niveaux pour la branche manutention ferroviaire. Dans le meilleur des cas les négociations salariales de branches se traduisent au (mais très difficilement en période de forte inflation) par une mise en conformité des grilles salariales qui ont vu leurs premiers coefficients rattrapés par la hausse du SMIC.

On note une volonté d’agir du gouvernement avec le projet de loi portant sur des mesures d’urgences pour la protection du pouvoir d’achat et plus particulièrement avec l’article 5 concernant la restructuration des branches en cas de non-respect du Smic. Cela devrait avoir un effet incitatif auprès des organisations professionnelles pour négocier et remettre en conformité les minima conventionnels de branche mais la CFDT reste persuadée que la conditionnalité des aides aux entreprises reste un levier plus fort pour contraindre les employeurs à négocier de réelles augmentations de salaires afin d’éviter le basculement des minima de branches sous le SMIC à chaque évolution de celui-ci, comme ce sera encore le cas d’ici quelques semaines où nous prévoyons une situation dans laquelle plus de 150 branches du secteur général seront en situation de non-conformité. Cette conditionalité pourrait prendre deux formes. Une forme collective où les branches non conformes auraient 6 mois pour se mettre en conformité au risque de voir suspendues deux exonérations. Une forme plus individuelle dans laquelle les entreprises comportant des salariés au SMIC depuis plus de deux ans perdraient les bénéfice des exonérations les concernant.

La CFDT, constate en effet que moins les branches sont conformes au SMIC et plus le volume de salaires pris en compte dans les exonérations des charges sociales est important et profite aux employeurs.

C’est pour la CFDT un réel problème de fond qui rend d’autant plus légitime la volonté de conditionner ces aides à un comportement loyal des branches professionnelles.

Pour que le SMIC se conforme pleinement et exclusivement à son rôle, il est nécessaire que les branches négocient au plus près de la réalité du secteur pour un plus juste partage des richesses, Cela passe par une meilleure reconnaissance des compétences des travailleurs qui sont mises à la disposition de l’entreprise qui doit leur garantir une rétribution équitable de leur travail. Pour la CFDT, c’est tout l’enjeu de la négociation sur les classifications d’identifier les compétences dont la branche a besoin. Même si les branches ont l’obligation de réexaminer leur accord de classification tous les cinq ans, à la lumière des évolutions technologiques, organisationnelles ou économiques, celle-ci est rarement respectée. C’est un axe de travail majeur à engager pour les branches, en collaboration avec leurs observatoires des métiers.

Enfin, la CFDT, réaffirme l’importance de regarder d’une manière plus globale la question des bas salaires en France et pour ce faire, elle continuera de réclamer la transformation du groupe d’experts sur le SMIC en une commission « salaires décents », afin d’aller au-delà de la seule question du SMIC et au-delà du seul salaire, et également renforcer sa gouvernance par la participation des partenaires sociaux.

La CFDT invite le gouvernement à discuter de ses propositions !