Ce 21 juin, près de 2 700 militants, adhérents, confédéraux, invités et amis du syndicalisme européen et international étaient réunis au Zénith de Paris pour célébrer le départ de Laurent Berger et l’arrivée de la nouvelle secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon.

Une journée riche en émotions, ponctuée de rencontres, témoignages de militants et tables rondes de personnalités amies de la CFDT, invitées à venir nourrir la réflexion sur l’après-mouvement social lié à la réforme des retraites.

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Au revoir, Laurent !

Après plus de dix ans passés à la tête de la CFDT, Laurent Berger tire sa révérence.

Les hommages appuyés ont ponctué une journée forte en émotions. 

« On ne voit pas le temps qui passe / Et quand il passe à travers nous / Il en laisse un petit peu partout / Que l’on ramasse à marée basse » : c’est sur ces paroles du chanteur Yves Jamait que Laurent Berger a conclu son ultime discours. Le temps qui passe : près de onze années à la tête de la CFDT, durant lesquelles elle sera devenue première organisation syndicale française. La clé de ce succès ? C’est évidemment Laurent Berger qui en parle mieux : « Être à hauteur de femmes et d’hommes, c’est la seule manière de faire du syndicalisme. » Un leitmotiv qu’il aura toujours gardé à l’esprit lors des centaines de déplacements qu’il aura effectués depuis sa prise de fonction, en novembre 2012. « Des années incroyables, où j’ai vu la beauté du syndicalisme dans les milliers de visages que j’ai croisés. Le militant, le responsable, l’homme que je suis a été façonné par ces rencontres et par ces expériences. »

Peu de défauts, beaucoup de qualités !

Cet homme, ce sont celles et ceux qui le côtoient qui en parle le mieux. « Un secrétaire général que nous avons tous et toutes suivi en pleine confiance. La CFDT tout entière est très attachée à toi. De nombreuses anecdotes ont pu donner à voir ta chaleur humaine, ton énergie communicative, ton humour… mais aussi tes talents de chanteur, a déclaré Marylise Léon dans un hommage appuyé à son prédécesseur. Derrière le secrétaire général se cache un grand bonhomme. Tu es à la fois profondément humain et solide comme un roc. Toujours à l’écoute, attaché à la considération de chacun et chacune, tu n’as jamais dévié de tes objectifs. Tu n’as jamais cédé à la facilité de la caricature, à la posture confortable. Tu as toujours eu  le courage de la nuance… et depuis quelques années, c’est tellement rare! »

Un gros bosseur, également. « Quelqu’un qui dit ce qu’il fait et qui respecte sa parole », enchaîne le nouveau secrétaire général adjoint, Yvan Ricordeau, son compère depuis trente ans. « Laurent, c’est la capacité de penser loin et d’agir », confie Cécile Cottereau, son ancienne conseillère politique. « C’est quelqu’un qui aime profondément les gens », poursuit Isabelle Mercier, ex-secrétaire générale de l’Union régionale interprofessionnelle des Pays de la Loire et toute nouvelle membre de la Commission exécutive de la CFDT. « C’est quelqu’un de rigoureux et d’empathique qui a conforté le type de syndicalisme que défend la CFDT », affirme pour sa part Gaby Bonnand, ancien secrétaire national.

“Un mégaphone pour les oubliés du monde du travail”

« C’est un giga mégaphone pour les oubliés et les inaudibles du monde du travail. C’est un porte-fierté pour tous les adhérents et militants de la CFDT », a conclu Jean-Yves Texier, ancien secrétaire général de l’Union locale de Saint-Nazaire. Une assertion partagée par toutes et tous, à la fois à l’applaudimètre et aux yeux embués de l’assemblée. Alors, une dernière fois : merci, Laurent, et bonne route !

Fierté orange

Après une mobilisation exceptionnelle contre la réforme des retraites, ce 21 juin était l’occasion de tirer les premiers enseignements de ce mouvement inédit. Que nous apprend-il sur le syndicalisme, sur les enjeux sociaux et démocratiques de la période ? Une table ronde a réuni quatre intervenants pour en débattre : Dominique Méda, Gilles Finchelstein, Christophe Robert et Laure Nicolaï, secrétaire générale de l’URI Bourgogne-Franche-Comté.

Des personnes qui ont manifesté pour la première fois de leur vie, quatorze journées de mobilisations de janvier à juin dans près de 250 villes en France. Et, partout, cette même colère exprimée contre une réforme injuste. Partout, ce même sentiment de ne pas être écouté. « Est-ce étonnant ? Sans doute pas », dit Gilles Finchelstein, secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès, selon qui le plus étonnant a été la surdité du gouvernement. « Est-ce historique ? Assurément. » Pour le secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès, les manifestants ont montré qu’ils ne voulaient pas se résigner, qu’ils refusaient la violence en défilant dans des cortèges « joyeux et pacifiques », qu’ils voulaient remettre au centre du débat la question du travail ainsi que la nécessaire modernisation de notre démocratie.

Ce fut également « la possibilité d’un collectif », affirme Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre : ces mobilisations étaient celles de la CFDT et de toutes les organisations syndicales qui ont offert un cadre donnant à voir des carrières hachées, de la pénibilité, des travailleurs fatigués, précarisés ou ubérisés, rassemblés dans un seul mouvement. Cette mobilisation est bien une « crise du travail », développe Dominique Méda, professeure de sociologie. Depuis 1978, les enquêtes de la Dares1 montrent la continuelle intensification du travail et la dégradation des conditions de son exercice. « La dernière enquête révèle que 37 % des actifs jugent leur travail “insoutenable”. La France est parmi les pires pays d’Europe sur la question de la pénibilité et championne en matière d’accidents du travail, détaille la sociologue. Il y a un véritable malaise sur le travail dans notre pays. »

Faire de ce mouvement une force

Et maintenant ? C’est le moment de « transformer nos inquiétudes en pouvoir d’agir », déclare Christophe Robert. Le porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre rappelle d’ailleurs qu’une école du Pacte va être créée à la rentrée pour que tous ceux qui souhaitent se former sur les enjeux sociaux, écologiques et démocratiques dans leurs territoires puissent le faire. L’idée est d’embarquer le plus de monde possible afin de co-construire un projet de société « désirable ».

« Rien n’est inéluctableIl ne faut pas s’habituer à l’idée que nous avons perdu la bataille politique, notamment face à l’extrême droite », estime Gilles Finchelstein, dont la fondation publiera prochainement l’enquête « La société idéale des Français » et de nouvelles pistes de réflexion. Le gouvernement va-t-il changer de méthode ? Impossible à dire. Mais, au-delà du paradoxe de n’avoir pas été entendus, l’enquête Kantar (publiée le 21 juin) indique que la confiance des travailleurs dans les syndicats pour défendre leurs intérêts au sein de leurs entreprises et administrations continue de se renforcer jusqu’à « un niveau jamais atteint » – et que la confiance dans la CFDT pour défendre des acquis sociaux, instaurer un dialogue social et conquérir de nouveaux droits atteint « un niveau jamais observé ».

« Ce que je retiens de cette mobilisation, abonde Laure Nicolaï, la secrétaire générale de la CFDT-Bourgogne-Franche-Comté, c’est un mouvement lumineux et la fierté orange qui se dégageait des cortèges. On s’est sentis forts. La CFDT a montré qu’elle est en phase avec la réalité. Nous avons retrouvé le moral ! »