Alors que l’intersyndicale appelle à une nouvelle journée de mobilisations et de grèves le 6 avril, la proposition d’une médiation évoquée par les organisations syndicales a été balayée d’un revers de main par l’exécutif. Une rencontre avec la Première ministre pourrait se tenir en début de semaine prochaine.
Pour beaucoup d’observateurs, cette dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites allait marquer le « point de rupture » d’un mouvement social inédit. Sonnant depuis quelques jours l’alerte au sujet de la colère croissante des manifestants et des grévistes en réaction au passage en force du gouvernement, Laurent Berger, « préoccupé par la situation », appelait lundi encore le Président et la Première ministre « à entendre qu’il y a une voie de sortie, mais que cela nécessite de faire un mouvement de leur côté ».
Ce 28 mars fut, à tout le moins, une étape majeure. Avec près de 1,5 million de manifestants dans toute la France, le monde du travail (et la jeunesse) s’est une nouvelle fois mobilisé de manière massive et déterminée pour le retrait de la réforme. Et ce, bien que l’absence de réponse de la part de l’exécutif conduise à une situation de tension rarement atteinte.
Depuis quelques jours, les regards se tournent aussi vers le Conseil constitutionnel. L’intersyndicale a d’ailleurs envoyé ses arguments aux « sages » chargés de se prononcer sur la conformité du texte de loi. Mais la décision du Conseil est attendue d’ici à trois semaines, et il devient urgent de faire baisser la tension dans le pays.
Indispensable geste d’apaisement
Si l’intersyndicale affiche toujours son opposition résolue à la réforme, elle proposait ce mardi un geste d’apaisement avec une demande de médiation pour trouver une voie de sortie à la crise sociale. Cette médiation, c’est un laps de temps défini pour aller voir les différentes parties et écouter ce qu’elles ont à dire avant de se mettre autour de la table. « Ce que l’on veut, c’est remettre le dossier à l’endroit. C’est avoir le temps de parler des questions de l’évolution du travail et en même temps aborder la question des retraites. En faisant cela, on saisit l’opportunité de faire la démonstration qu’il y a d’autres solutions que le report de l’âge », détaille Yvan Ricordeau, secrétaire national en charge du dossier retraites.
Mais cette médiation a un préalable : la suspension de l’article 7 (relatif au report de l’âge légal de départ à la retraite), qui cristallise les oppositions. « Les 64 ans sont pour tous une ligne rouge », rappelle Laurent Berger, qui soumet avec ses homologues des autres syndicats l’idée d’appliquer au niveau national ce qui se pratique à l’échelle de l’entreprise. « Quand on est dans un conflit du travail, on fait appel à des tiers pour apaiser les choses et trouver les points de fracture. C’est un geste de responsabilité qu’il faut savoir saisir. »
La réponse de l’exécutif, par la voix du porte-parole du gouvernement, ne s’est pas fait attendre. « Nul besoin de médiation, affirme Olivier Véran, selon qui il n’y a pas de médiateur dans la République quand on peut se parler directement. » Et ce, alors même que l’exécutif a adressé une fin de non-recevoir quelques jours plus tôt à l’intersyndicale… Celle-ci ne s’avoue pas vaincue et pourrait de nouveau adresser une demande formelle au moyen d’un courrier adressé à l’exécutif dans les prochains jours. « C’est une voie de sortie », assène Marylise Léon.
Rencontre à Matignon ?
Alors, quelle issue ? Combien de temps l’exécutif va-t-il tenir et serrer les poings, à attendre plus ou moins fébrilement la décision du Conseil constitutionnel et faire le pari du pourrissement ? Tandis que les travailleurs défilaient, une nouvelle fois, contre la réforme, une invitation à Matignon en début de semaine prochaine était envoyée par Élisabeth Borne à l’intersyndicale.
La CFDT a déjà fait savoir qu’elle irait à ce rendez-vous, car il ne s’agit pas de pratiquer la politique de la chaise vide après avoir demandé à cor et à cri à être reçu. « Mais elle ira pour parler des retraites », certifie Laurent Berger, même si aucun ordre du jour n’est indiqué dans le courrier de la Première ministre. Impossible autrement, au vu du contexte social actuel, et alors que se profile déjà une nouvelle journée de mobilisation, le jeudi 6 avril. « On va parler des 64 ans, de ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays ! De quoi voulez-vous parler d’autre ? », poursuit le secrétaire général de la CFDT. Saisir l’espace, si mince soit-il, de porter notre vision, notre rejet, intact, des 64 ans, « et laisser une chance à un compromis social alors que le compromis politique a échoué ».